Protection des enfants«Le modèle de gestion des conflits doit évoluer»
Directeur général adjoint de la Direction générale de l’enfance et de la jeunesse (DGEJ), Frédéric Vuissoz n’est pas autorisé à donner des informations concernant les cas en question. Mais indique que la manière de traiter ces dossiers compliqués est à revoir. Interview.

Comment vos services s’y prennent-ils aujourd’hui pour gérer les graves conflits parentaux?
On cherche à objectiver un maximum, ce qui est un véritable exercice d’équilibriste. Parfois, on n’y arrive pas tellement c’est brouillé. Quand on écoute les parents, on a l’impression qu’ils ne parlent pas de la même histoire. Nous essayons dès lors de démêler le vrai du faux. Les accusations mensongères nous placent dans une position difficile. À la réception d’un signalement, on peut préciser qu’il est manifestement infondé, mais on est obligé de tous les apprécier. Et lorsqu’ils contiennent des faits qui sont poursuivis d’office sur le plan pénal comme les abus sexuels, nous sommes tenus par la loi de les dénoncer, même s’ils paraissent inexacts. Nous sommes également souvent accusés de prendre parti. Ces situations sont très complexes à prendre en charge. On les affronte et on tente de sensibiliser au maximum les parents quant aux conséquences de ces campagnes de dénigrement sur leurs enfants.
Que vivent ces enfants?
Ils sont pris en otages dans un conflit de loyauté qui les met dans des positions impossibles car ils se sentent parfois obligés de prendre parti pour l’un ou l’autre des parents. On doit être particulièrement attentifs à ce que leur développement ne soit pas en danger et mettre en place des mesures judiciaires de protection si nécessaire. Avec comme dernier recours un placement en foyer. Ce qui arrive très rarement pour le seul motif de conflit parental. Car si certains enfants connaissent des souffrances extrêmes, ils vivent une telle décision comme une profonde injustice. Ils se demandent pourquoi ce sont eux et non leurs parents qui paient les pots cassés.
Sont-ils dès lors suffisamment protégés?
Tous les intervenants dans la protection de l’enfance sont d’accord pour dire que le modèle qui vise à traiter les conflits parentaux lors de séparations doit évoluer. Il faut que l’on puisse intervenir beaucoup plus tôt auprès des parents afin qu’ils arrivent à mieux se quitter et ainsi diminuer la souffrance des enfants.
Que comptez-vous faire pour y parvenir?
Nous envisageons de créer un projet pilote dans l’est du canton en nous inspirant de la méthode dite de Cochem. Un protocole originaire d’Allemagne et qui a été adopté en Valais l’année dernière. L’idée est de mettre immédiatement les parents autour de la table lorsqu’une séparation survient, de les sensibiliser au fait que leur comportement peut induire de la souffrance chez leurs enfants et de les responsabiliser en vue de trouver un accord pour le bien-être de ces derniers.
Si des divergences entre la mère et le père persistent sur certains points, le juge peut proposer ou ordonner une médiation. Et dans le cas où cela ne marche toujours pas, il sollicite nos services pour évaluer la pertinence de mesures de protection. C’est un système qui a prouvé son efficacité avec des critères simples centrés sur l’enfant et la capacité des parents de communiquer ensemble. D’autre part, il permet une meilleure collaboration entre les différents intervenants, qu’ils soient assistants sociaux, juges, avocats, éducateurs ou psychologues.
La coopération entre les divers acteurs n’est donc pas bonne actuellement?
Les professionnels ne travaillent pas encore assez main dans la main. Le nouveau modèle prône une vision interdisciplinaire. Il ne sera plus question de se disqualifier les uns les autres.
Il est reproché aux avocats de vivre des conflits. Leur rôle est-il également amené à évoluer?
Aujourd’hui, les procédures judiciaires peuvent être longues et les avocats envoient parfois des courriers très agressifs. Cela alimente le conflit et les enfants en sont bien souvent les victimes. Il existe toute une génération d’avocats qui ne se reconnaît pas dans cette posture perdant-gagnant. Ils ont le sentiment de ne pas servir les intérêts de l’enfant. La réforme actuelle se fait en collaboration avec l’Ordre judiciaire vaudois.
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