Le mystère Soulages éblouit la science
A l'EPFL, l'ArtLab sonde les possibles des humanités digitales et lance l'expérience avec les Outrenoirs d'un infatigable chercheur

Voir un défilé de Soulages, aller au choc esthétique et émotionnel avec sa manière infinie de tracer, de creuser ou de révéler les chemins de lumière dans l'Outrenoir, l'expérience est unique. Mais si le géant de la scène contemporaine française est de tous les grands musées de la planète, vivre sa densité à travers un ensemble d'œuvres s'avère plus rare. Il y a eu 2009, l'une des rétrospectives les plus fréquentées du Centre Pompidou à Paris avec 500 000 visiteurs, et trois ans plus tard Lyon, concentrée sur les dernières recherches d'un artiste de 93 ans. Il y a désormais le succès retentissant d'un musée monographique à Rodez aux 260 000 fans comptabilisés la première année. Et… plus près, la chance d'une exposition d'un autre genre signée par l'ArtLab de l'EPFL et la Fondation Gandur pour l'art.
Le maître de l'Outrenoir
Dix-neuf grands formats sur une seule allée et autant d'opportunités de s'immerger dans ces immensités noires amenant au calme. Dix-neuf toiles du maître de l'Outrenoir presque toutes conservées ici, en Suisse. Dans la collection de sa galeriste lausannoise, Alice Pauli. A la Fondation Gandur pour l'Art à Genève. Ou encore, pour l'une d'elles, en dépôt au Musée cantonal des beaux-arts à Lausanne. On flâne. On déambule. On serpente. Les toiles s'offrent libres dans l'espace, recto et parfois verso où figurent schémas et annotations du peintre, elles se dressent noires et noires encore mais sans jamais faire barrage à l'imaginaire – au contraire – elles magnétisent. Les mots pour le dire se défilent, reste la seule expérience de la peinture. Silencieuse! Introspective.
L'exposition pourrait se terminer là, sur cette relation intime à l'œuvre, sur ce ressenti indéfinissable, là… où les expositions s'arrêtent depuis des siècles. Sauf que l'impératif d'une interactivité high-tech et d'une connectivité permanente s'est aussi immiscé dans les habitudes de «consommation» de l'art. «La demande pour des contenus additionnels fait partie de notre quotidien comme de nos loisirs, rappelle Luc Meier, directeur technique à l'ArtLab. On ne pose pas ces expériences à vivre comme des conditions sine qua non à la connaissance mais nous offrons des solutions abouties concernant la préservation du patrimoine, sa conservation et sa mise en valeur.»
Sous l'élégance longiligne de son enveloppe, l'ArtLab de l'EPFL en a fait sa vocation et «Noir, c'est noir, une exposition à la croisée de l'art et de la science» inaugure ce champ des possibles avec, à son générique, des dizaines de scientifiques pour un peintre de 97 ans, un arpenteur de la matière lumière. Le privilège de l'âge et de son aventure dans la constance, il ne se lasse pas de raconter sa rencontre dans les années 70 avec ce noir-lumière dont la tonalité évolue en fonction de l'éclairage: «Après des heures de travail, je suis parti dormir, fatigué, mais avec la conviction que, comme je ne suis pas masochiste quelque chose allait bien finir par sortir de cette toile plongée dans le noir.»
Voyage à l'intérieur de l'œuvre
Ce sera l'Outrenoir, cet au-delà réinventant les forces de la lumière et les vibrations de la matière, cette écriture renouvelant sa trajectoire à l'infini que les scientifiques de l'EPFL ont sondé. Et même visité… pour faire du voyage à l'intérieur de la peinture, une réalité. Un écran, une toile photographiée en haute définition centimètre par centimètre et voilà le regard arpentant ses sillons, auscultant ses porosités, le voilà éveillé de manière intelligible à la juxtaposition du mat et du brillant, il effleure les surfaces striées ou polies: l'envergure d'un langage, de ses rythmes et de ses polyphonies se matérialise à fleur de toile.
Les points de vue technologiques s'enchaînent parsemés, expérimentaux ou interactifs avec ce «regardeur», ce maillon essentiel pour Pierre Soulages. L'expérience le fait maître lumière. Un mouvement et elle se déplace pour flirter avec la toile; un autre, et elle vibre troublante pour rendre à l'évidence des multiples tableaux vivant dans une seule et même toile. «L'idée n'est pas de faire un showroom bêtement technophile, ni d'envisager une «disneytisation» du monde de l'art, plaide encore Luc Meier. Mais plutôt de mettre à disposition une boîte à outils et chercher comment rendre ces contenus augmentés dans les espaces muséaux tout en gardant le juste équilibre entre l'art et la science.»
Lausanne-EPFL, ArtLab Jusqu'au di 23 avril ma-di (11 h-18 h), je (11 h-20 h) www.artlab.epfl.ch
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