Le pasteur qui aurait pu devenir agriculteur
Le chef de l'Eglise protestante vaudoise n'imagine pas vivre loin de ses vaches et de son verger. Paysan et montagnard dans l'âme

Xavier Paillard ne se sent bien qu'à la montagne, au grand air. Ou alors à la campagne, au rythme des saisons. «Je suis en phase avec la terre et les gens de la terre», reconnaît ce pasteur qui préside depuis trois ans le Conseil synodal de l'Eglise évangélique réformée du canton de Vaud (EERV). Il est la figure de proue des protestants vaudois. Alors que tant de ministres de Dieu ont des profils d'intellos rompus aux finesses de la théologie, Xavier Paillard incarne tout l'inverse: «Je suis un manuel. Les grands débats abstraits, très peu pour moi.»
Un physique de lutteur dans une chemise à carreaux, le regard très expressif qui le fait parfois ressembler à François-Xavier Demaison, le verbe clair, sans chichis, Xavier Paillard met à l'aise ses interlocuteurs. Quand il venait d'être installé comme pasteur à Chêne-Pâquier, en 1989, il attendait un jour la secrétaire paroissiale. Des ouvriers qui travaillaient dans les parages lui ont proposé de décharger et de scier du bois avec eux. Il a retroussé ses manches et s'est mis à bosser: personne ne soupçonnait alors que ce gaillard costaud était le nouveau ministre de la paroisse. Des anecdotes comme celles-là, il y en a plein. Ses collègues de l'EERV racontent volontiers que, l'année passée, le président du Conseil synodal a installé lui-même la cuisine dans les nouveaux bureaux de Médias-pro et du journal Réformés. Il est doué en menuiserie, en maçonnerie, en rénovation. Il vend chaque année à des collègues de la viande des vaches d'Hérens qu'il élève et qu'il retrouve chaque soir dans le verger familial de Bercher. Xavier Paillard a été agriculteur pour de vrai pendant ses études: «Je devais gagner un peu d'argent et on demandait aux futurs pasteurs de faire un stage pratique. J'ai travaillé dans le domaine d'un cousin, qui avait des problèmes de dos: je l'ai remplacé pendant plusieurs mois. Je faisais tout, de la traite des vaches aux cultures.»
Il aurait pu être paysan, mais il avait bel et bien une vocation de pasteur. Petit, il a vécu dans un chalet de vacances que ses parents tenaient à Gryon. Des milliers de jeunes étrangers venaient y faire des séjours. «Une sorte de Club Med pour enfants.» Le jeune Xavier y apprend la vie en communauté; ses parents lui confient très vite la responsabilité de groupes pour la journée. Il en a gardé un goût pour les groupes, les activités communes. Il s'est aussi initié à l'alpinisme, qu'il pratique toujours.
A 12 ans, un événement le marque profondément: une de ses trois sœurs meurt dans un accident de montagne. «Quinze jours plus tard, je commençais mon catéchisme. J'ai eu la chance de tomber sur un pasteur super, qui a beaucoup soutenu la famille. Il n'a pas fait de grands discours. Pour la première séance de catéchisme on a mis les souliers et on est monté à la Croix-des-Chaux, au-dessus de Barboleuse.» Xavier Paillard en a gardé une conviction par-delà les décennies: «Il ne faut pas accuser Dieu des maux qui nous frappent, mais le considérer comme un compagnon de route, toujours à nos côtés, quoi qu'il arrive.» La mort d'une deuxième sœur, emportée par une avalanche en 1986, n'entamera pas cette certitude. Pas plus que son divorce, en 2000, qu'il qualifie de «troisième deuil difficile».
Un charisme pour diriger
A 15 ans, il est en décrochage scolaire. Ses parents l'envoient en internat à Saint-Maurice (VS). «Nous étions quelques rares protestants sur mille élèves catholiques, cela m'a obligé à réfléchir à ce qu'était le protestantisme.» A 20 ans, il en est sûr: il fera des études de théologie. Des années «fastidieuses» à bûcher le grec, l'hébreu, l'exégèse. Parallèlement, il s'engage dans de nombreux mouvements: le scoutisme, où il s'épanouit, et des groupes de jeunes chrétiens. Très vite, il prend le leadership et gravit les échelons partout où il passe. «J'aime organiser et prendre des responsabilités. J'aime les défis. Sans vouloir paraître prétentieux, je crois que c'est mon charisme, et je le fais pour rendre service.»
Pasteur en paroisse à Pâquier-Donneloye pendant dix ans, il devient délégué au Synode, puis, à la fin des années 90, membre de l'équipe de mise en œuvre d'Eglise Avenir (le grand chantier de refonte de l'EERV). Il deviendra coordinateur pour le Nord vaudois avant de rejoindre le Conseil synodal en 2009. Ce terrien, qui aime tant le monde rural, celui des paroisses territoriales, voit son Eglise confrontée à un énorme défi alors qu'on fête cette année les 500 ans de la Réforme. «Nous devons chercher un nouveau fonctionnement pour l'Eglise, davantage en réseau. Le canton s'urbanise, les gens se déplacent, on ne vit plus à un seul endroit et dans une seule paroisse.»
Ces protestants vaudois qui vont peu au culte le dimanche, il dit les comprendre: «Dieu s'exprime partout, pas seulement au temple. Il rayonne en permanence dans notre humanité, même si elle nous paraît fragile.»
«Ecole d'humilité»
Lui qui voulait moderniser et réformer l'Eglise lorsqu'il était jeune a appris que les choses ne sont pas si simples: «C'est une école d'humilité.» Surtout que «le chemin compte autant que l'objectif, j'ai appris à tenir compte des gens qui avancent moins vite». Ce pasteur qui aime la spontanéité et évite de préparer de grands discours à l'avance a été l'un des premiers à pratiquer «l'assistance spirituelle d'urgence». Une mission qui consiste à aller soutenir les familles en cas d'accident ou de malheur: «Il faut juste être là, écouter et semer des paroles d'encouragement, comme des petits cailloux qui seront peut-être utiles sur le chemin.»
L'an dernier, certains ont dépeint Xavier Paillard comme un boxeur: c'était lors du conflit entre le Conseil synodal et le pasteur licencié Daniel Fatzer. Il ne se reconnaît pas dans cette caricature. Mais il comprend que l'image qu'il renvoie, solide, authentique, droit dans ses bottes, peut donner cette impression. «Je ne me sens pas quelqu'un parce que je suis conseiller synodal, dit-il. Cette fonction ne m'apporte aucune gloire et je ne suis pas mieux payé qu'un pasteur en paroisse. Et si j'arrête demain, je pourrais faire autre chose.» Il se réjouit d'aller, ce soir, se changer les idées dans son verger.
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