Concert culte à Yverdon«Le patchouli, ça sent la merde»
Le groupe allemand Bohren & Der Club Of Gore arrive à Yverdon avec sa musique légèrement sépulcrale et l’album «Patchouli Blue» dans le crâne. Coup de fil à son saxophoniste.

Depuis au moins l’album «Sunset Mission» de 2000, Bohren & Der Club Of Gore fait figure de groupe culte pour qui ne craint pas les approches musicales indéfinissables, dérivant dans une nébuleuse au contact des frontières stylistiques du rock – mais ralenti sous Lexotanil –, du jazz – mais contourné d’approches mélodiques non-orthodoxes – et de l’ambient un peu drone – mais relevée par une approche instrumentale peu electro. L’étiquette la plus souvent accolée à ces Allemands qui effectuaient leurs débuts sous la bannière du hardcore tient en deux mots: «doom jazz», comme il y a un «doom metal».
Depuis son salon de Cologne, le saxophoniste et vibraphoniste Christoph Clöser ne revendique pas la dénomination. «Ce n’est en tout cas pas la nôtre, assure le membre de ce trio aux origines remontant à la fin des années 1980, mais qu’il a rejoint autour de 1997. Mais nous sommes toujours heureux quand des journalistes trouvent des formules que nous pouvons reprendre à notre compte.» L’une de ses préférées fut «Blutgrätcher zwischen Slayer und Sade» que l’on peut approximativement traduire par «tacle malhonnête entre Slayer et Sade»! Mais le musicien se souvient aussi de «musique d’ascenseur des profondeurs» ou, plus simplement, de «detective jazz».
Alors que le désormais trio est attendu ce dimanche à Yverdon au Théâtre Benno Besson pour un concert proposé en partenariat avec L’Amalgame, sa venue peut être considérée comme un petit événement, tant le Bohren & Der Club Of Gore se fait rare sur scène. «Mes partenaires ont d’autres jobs que celui de musicien, c’est donc la croix et la bannière de trouver des dates jouables. Quand j’arrive à en organiser une petite dizaine dans l’année, c’est déjà un miracle.» L’an dernier, Christoph Clöser pensait battre un record dans l’histoire de sa formation: il était parvenu à planifier 25 concerts… presque tous annulés en raison de la pandémie.

Depuis les débuts, la musique de ces inclassables a beaucoup évolué. Le groupe avait abandonné le hardcore parce que les règles en vigueur devenaient toujours plus strictes, visant toujours plus de rapidité d’exécution. «Cela n’avait plus de sens, cette surenchère devenait ennuyeuse et il devenait toujours plus difficile d’avoir du succès.» Face à une concurrence hystérique, les Allemands optaient donc pour l’extrême lenteur, le minimalisme, puis des nappes singulières et gazeuses, proches de l’orbite du jazz, occasions de plonger dans des eaux noirâtres dignes d’une B.O. de thriller quitte à alléger parfois la palette par la suite.
«À une période, je pensais abandonner le saxophone, se souvient Christoph Clöser, à l’aise ni avec les éclats le plus souvent entendus dans le rock, ni avec la phraséologie du jazz. Je m’étais rabattu sur la batterie, le piano. Mais j’ai retrouvé de l’intérêt avec Bohren. Maintenant, si tout était à refaire, je prendrais exclusivement le vibraphone.» Une approche très perceptible dans le dernier album, un «Patchouli Blue» de 2020, au titre évidemment trompeur.
«Nous savions que nous allions faire un album sous ce nom depuis longtemps car… il est parfaitement idiot. Le patchouli, ça sent la merde. Et blue ne veut rien dire – le ciel, la mer, le rien est bleu. Un titre irritant donc.» Une invitation pour le Grand Nulle Part comme le disait James Ellroy… Pour ceux qui n’ont pas peur du noir, car les Allemands ont la réputation de jouer dans une profonde pénombre.
Yverdon-les-Bains, Théâtre Benno Besson, di 21 nov. (18 h 30). Première partie Luzius Schuler. www.theatrebennobesson.ch
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