Un été en toute fluiditéLe petit Grenet administre les pénuries et les excès du lac de Bret
Sur la rivière, un barrage modulable jugule inondations et sécheresses. L’apport d’eau potable est ainsi assuré, les poissons préservés.

À l’automne 2018, les Vaudois découvraient les images quasi lunaires du lac de Bret, où il manquait plus de cinq mètres d’eau. Abreuvée en partie par cette grande pièce d’eau, la Ville de Lausanne ne pouvait pas se permettre d’en revoir à nouveau les rives totalement asséchées.
Elle a donc construit sur la rivière du Grenet, en amont du lac, un barrage multifonction, qui garantit à la fois l’arrivée d’eau en ville et préserve la rivière de la sécheresse. Le modèle tente de réconcilier les besoins de la nature et ceux des hommes, restés trop longtemps incompatibles.
Sous les parapluies
Le cours d’eau prend sa source à Savigny et remonte ensuite en direction de Palézieux. Pour voir l’ouvrage, il faut se rendre dans les bois au nord du lac de Bret, où le cours d’eau fait un coude. Ce mois de juillet, des tombereaux de pluie semblent vouloir détruire notre argument: doit-on vraiment lutter ici contre la sécheresse? Bien centrés sous les parapluies, nous contemplons un barrage complètement noyé.

Ce jour-là, le débit est de 14’000 mètres cubes à l’heure contre 180 en étiage. La passe à poissons construite sur le côté se distingue à peine, pas plus que le mécanisme de modulation du débit de l’eau.

Le municipal lausannois des eaux, Pierre-Antoine Hildbrand, et Pasquale Giordano, chef de la division production et épuration, en rigolent. À moitié mouillés, ils nous expliquent pourquoi il a absolument fallu construire le nouveau dispositif.
Il a été terminé l’automne dernier et a coûté 400’000 francs: «Il y a trois ans, le lac était devenu bas au point d’inquiéter le Service de l’eau, se rappelle le municipal. Le danger est que le niveau de l’eau descende trop et désamorce le mécanisme de siphon qui amène l’eau du lac à l’usine de traitement.»

L’avantage du nouveau barrage est de permettre l’action en toutes circonstances: «Quand le Grenet est très bas, poursuit Pierre-Antoine Hildbrand, on laisse passer l’eau pour que les poissons et le cours d’eau puissent continuer à vivre. Quand la rivière est haute, on soutire un peu plus d’eau pour remplir le lac.»
Et quand le lac lui-même est plein, on cesse de le remplir. Un déversoir évacue cas échéant le surplus pluvial dans le ruisseau du Forestay.
Témoins du passé
Sur le site, une petite capite abrite les installations électriques de gestion du barrage. Le poste de garde héberge encore les éléments du barrage original qui n’était qu’une simple retenue fixe avant les travaux. Des anciens instruments de mesure et un vieux dégrilleur trônent là comme témoins du passé.

Dans le canton de Vaud, les retenues sur les rivières sont légion. L’intervention humaine est telle qu’il n’existe «pour ainsi dire plus de système hydrographique totalement naturel», comme l’a attesté le responsable Philippe Hohl, chef de la division des ressources en eau et de l’économie hydraulique au Canton dans un précédent article.
Les petits barrages peuvent être utilisés pour les turbines de force hydraulique, pour de l’eau de refroidissement, pour des piscicultures, etc.
«Il y a trois ans, le lac était devenu bas au point d’inquiéter le Service de l’eau.»
Mais celui de Lausanne, qui sert à obtenir de l’eau potable, n’est pas courant: «À ma connaissance, c’est le seul», reprend Philippe Hohl, au téléphone cette fois-ci. Le petit barrage qui ne paye pas de mine joue donc un rôle primordial.
Pour alimenter le lac, l’eau du Grenet passe par une galerie souterraine construite à la fin du XIXe par la Compagnie Lausanne-Ouchy. Elle fait 280 mètres de long et arrive au nord du lac, dans la roselière.
Au sud, une station de traitement de l’eau répartie sur deux sites voisins transforme l’eau du lac en eau potable, produisant entre 15% et 20% de la consommation lausannoise.
Industriel fleuri
L’usine de Bret, que les classes d’école peuvent visiter, vaut le détour. Elle alimente gravitairement et sans pompage le réservoir de Chailly situé à une altitude inférieure de 56 mètres. Deux bâtiments la composent, l’un des années 30, l’autre de 1960. L’atmosphère y est fraîche et le décor industriel. Mais, attention, dans le genre fleuri.
Les grandes conduites en acier zingué sont peintes dans de différentes couleurs selon le degré de pureté de l’eau. Vert, brun, bleu clair, bleu très clair: ces codes couleurs sont anciens.
«Aujourd’hui, précise Pasquale Giordano, les conduites sont majoritairement en inox et on met des étiquettes selon les normes de sécurité professionnelles.»

Dans ces lieux, l’eau du lac de Bret subit tout un traitement. Pasquale Giordano en résume les étapes: «L’eau passe d’abord par la pré-ozonation, qui permet de casser les molécules de matière organique. Puis par une étape de coagulation-floculation-flottation. Ensuite, elle s’écoule au travers de filtres à sable, ce qui permet d’obtenir une eau d’une turbidité très faible. Après vient la post-ozonation pour assurer une parfaite désinfection de l’eau.»

Client final
Dernière étape: la filtration sur charbon actif qui absorbe encore de la matière organique. Enfin, on injecte une fine quantité de chlore qui a un effet protecteur durant le transport de l’eau jusqu’au client final, c’est-à-dire les Lausannois et une série d’autres communes qui achètent l’eau à Lausanne.
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