Le plus petit musée d'art du monde quitte Cully
La Kunsthalle Marcel Duchamp vit discrètement sa dernière exposition après une programmation pointue d'une dizaine d'années.

Sans rancune, ni vraiment d'amertume! Il n'empêche qu'au moment où le Canton de Vaud formalise une entrée taille XXL sur la scène des arts visuels, voir l'autoproclamé plus petit musée d'art du monde disparaître de sa carte le 19 août faute de résonances avec son environnement économico-politique, tient au mieux du rendez-vous manqué, au pire de l'ironie de la situation. Au téléphone, Stefan Banz, directeur de la KMD-Kunsthalle Marcel Duchamp de Cully, ne s'interdit en tout cas pas de sourire: «On peut le voir comme ça, même si ce sont deux choses différentes.»
Reste que la comparaison entre ces deux extrêmes – 3000 m2 de surface d'exposition pour le futur musée cantonal, 45 cm de large sur 75 cm de haut pour la KMD – se cristallise encore autour d'un nom: Ai Weiwei. Tout le monde se souvient de sa subtile prise d'assaut du Palais de Rumine l'hiver dernier mais qui se rappelle son premier geste artistique en Suisse? La KMD de Cully… en 2011! Une Lilliputienne aux envies gigantesques et alors pile dans son discours sur la notion de grandeur, si relative dans l'art.
«Nous sommes à l'époque du spectaculaire que ce soit dans ce domaine comme dans d'autres, il faudrait à tout moment capter l'attention et par n'importe quels moyens, mais surtout les plus grands possibles. Notre concept se positionne en contre-pied en interrogeant ces questions d'échelle comme la disproportion et, appuie Stefan Banz, en offrant la preuve que la qualité n'est pas liée à la taille.» Venu avec ses iconiques graines de tournesol – 13 kilos pour Cully contre les 10 tonnes exposées une année plus tard à la Tate Gallery, à Londres – Weiwei remplissait le contrat. Enfin… presque!
Le 22 mai, jour du vernissage, l'artiste contestataire était toujours porté disparu, deux mois après avoir été arrêté par les autorités chinoises. «Tous les artistes que nous avons présentés sont venus à Cully pour le montage, que ce soit du Brésil, de l'Angleterre, de France ou encore d'Italie. Ça crée un autre lien à l'art. De l'amitié aussi. En plus d'être le signe, que même minuscule et loin des grands centres d'art, leur exposition importait. Voilà, insiste Stefan Banz, comment on peut faire évoluer les choses, voilà comment on démontre que ce qui échappe à notre perception, mériterait de le détourner.»
Après Cully, Hambourg
Silencieuse, sensuelle même. Intégrée et à la fois visible à l'abri de l'angle de la place d'armes et le quai filant vers le port de Moratel, la capsule de cuivre émaillé teste ce regard. Derrière ses espaces vitrés, deux étages d'exposition quand même! Certains artistes ont défié ses rondeurs, d'autres ses proportions de minimusée, d'autres encore ont joué l'intérieur contre l'ouverture du panorama extérieur. Figuratifs, conceptuels, sculpteurs, plasticiens, sans exception, tous l'ont consacrée en musée d'art contemporain et l'Allemand Robert Bisky, l'a même choisie pour sa rétrospective de dix ans de création.
La densité s'y était installée, elle a perduré, elle règne encore pour l'ultime exposition de la Kunsthalle Marcel Duchamp, à Cully. Signée Stéphane Zaech et Philippe Fretz qui ont choisi de rendre hommage à Frank Zappa, dans un tête-à-tête entre peintres.
«Exceptionnels, précise le directeur de la KMD. Comme il y en a peu en Suisse romande.» Les formats sont confidentiels, 7,8 cm sur 10, l'impression d'une conversation extraordinairement singulière, monumentale. «Ici, ce n'est pas qu'une histoire de murs mis à disposition, relève Philippe Fretz. On discute, on se prépare, on développe le projet porté par un regard affûté sur l'art contemporain et accompagné d'une direction très muséale. Au niveau de la scène locale, la Kunsthalle représentait quelque chose de très important, c'est vraiment regrettable qu'elle disparaisse.» À son crédit plutôt qu'à son compteur, une cinquantaine d'expositions et autant d'empreintes de la différence dans l'art. Marquant certains, d'autres moins.
«C'était quelque chose de très confidentiel, plutôt pour des initiés, assume Raymond Bech, le municipal de Bourg-en-Lavaux chargé de la Culture. Vous m'apprenez qu'elle ferme et évidemment, même si son public était restreint, c'est très dommage.» Le syndic, Jean-Pierre Haenni, est dans le même registre. «C'est vrai qu'il fallait la remarquer cette petite capsule. Je ne sais pas pourquoi, nous n'avons pas été avertis de sa fermeture.» L'info… figurait sur le dernier courrier d'invitation au vernissage!
Mais plutôt que la tristesse peu constructive, ses fondateurs, Caroline Bachmann et Stefan Banz, ont opté pour le réalisme. «C'est la vie, notent-ils, il faut prendre des décisions. Artistes nous-mêmes, nous avons investi beaucoup de temps et d'argent dans cette aventure curatoriale d'une dizaine d'années. L'intérêt étant surtout venu de Suisse alémanique, il fallait se rendre à l'évidence et passer d'une aventure à une autre: la Kunsthalle voyagera pour se rendre là où on la demande.» Ce qui se sait déjà! Son agenda compte, un premier vernissage, le 7 septembre à Hambourg.
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