Le Printemps Sondheim fêtera le célèbre compositeur
Voix de Lausanne et le Sinfonietta délivreront les meilleures créations de l'Américain dimanche à Montreux, sous la baguette de Dominique Tille, directeur artistique et chef d'orchestre.

Son nom ne vous dit rien? Pourtant, le compositeur de comédies musicales new-yorkais Stephen Sondheim (1930), célèbre outre-Atlantique, a déjà raflé de nombreux Grammy Awards. Et son œuvre résonne certainement dans notre inconscient collectif. Parolier de «West Side Story» (1957), il a aussi composé les mots et les musiques d'«A Little Night Music» (1973), du fameux «Sweeney Todd» (1979) – adapté au cinéma par Tim Burton en 2008, avec Johnny Depp – et d'«Into the Woods» (1986).
Cette année, l'Américain a suscité l'intérêt de jeunes artistes romands, dont les chanteurs Aude Gilliéron, Lionel Blanc et Didier Borel, qui ont décidé d'organiser une série d'événements qu'ils appellent le Printemps Sondheim. Ce dimanche à l'Auditorium Stravinski, le concert «Sondheim l'essentiel» rassemblera, sous la baguette de Dominique Tille, l'orchestre Sinfonietta et l'ensemble vocal Voix de Lausanne. Et nous plongera dans cinq œuvres majeures du compositeur. Rencontre avec le chef d'orchestre et un des initiateurs du projet, Dominique Tille.
Quelle est la spécificité de l'œuvre de Stephen Sondheim?
Il a su dépasser le pur divertissement qui régnait en maître à Broadway. En traitant des sujets de société parfois difficiles, il est parvenu à secouer la petite bourgeoisie qui cherchait la détente au théâtre et lui a présenté son propre reflet dans le miroir. C'est un esprit libre, un prodige qui a su briser les codes. On pense souvent que la comédie musicale n'affiche que des paillettes et des éléments tape-à-l'œil. Mais si on se penche par exemple sur «Sweeney Todd», effectivement, c'est du divertissement et ça ramène aussi aux films d'horreur. Mais c'est surtout une dénonciation de l'ère industrielle et de la surconsommation. Lorsque Mrs Lovett fait son marché de tartes à la viande, elle pratique le cannibalisme pour gagner plus d'argent et monter dans les échelons sociaux. Chez Sondheim, les thématiques sont souvent très avant-gardistes.
Pour votre concert, vous conjuguez des extraits de cinq partitions de Sondheim… Le théâtre y sera-t-il aussi présent?
Le but de «Sondheim l'essentiel» est de proposer un spectacle à la manière d'un concert de musique classique. «Company», «Sweeney Todd», «A Little Night Music», «Into the Woods» et «Sunday in the Park with George» ont été choisis car ils font sens par rapport à l'ensemble Voix de Lausanne, dont je suis le directeur artistique. C'était quand même un projet de chœur à la base. Nous sommes soit partie prenante de l'histoire, soit à l'extérieur de l'action comme un chœur grec. Et nous passerons d'un univers à l'autre sans transition. Si les choix sont d'abord musicaux, on n'exclut pas la mise en scène. Dans ce sens, le projet reste hybride. Pour cette raison, j'ai cherché des solistes qui détiennent aussi des qualités scéniques. Des véritables comédiens chanteurs comme Frédéric Brodard et Amélie Dobler. On voulait travailler avec des gens d'ici. Des artistes qui désirent vraiment ces rôles et qui ont soif d'expérience.
Retrouve-t-on le bagage classique du compositeur dans ses créations?
Oui. Et cela apporte un côté académique à la musique, dans le bon sens du terme. Il y a beaucoup de références aux œuvres de grands maîtres classiques, comme Bach, Brahms ou Mendelssohn. Il y a par exemple des citations du «Dies iræ» dans «Sweeney Todd», utilisées en général dans les symphonies d'auteurs romantiques. Dans «A Little Night Music», on peut noter que la partition est écrite en trois temps, à l'image de la valse. On se retrouve alors propulsé dans une forme de nonchalance. À travers le Printemps Sondheim et ses événements, nous désirons intéresser des publics de divers horizons.
Quel rôle jouent les parties musicales dans ses pièces?
Elles font avancer le récit. Mais les paroles et la musique suggèrent également le temps qu'il fait, le jour, la nuit, les humeurs. Et puis il y a aussi la façon dont les voix sont utilisées. Si elles sont claires et légères, elles amènent quelque chose de solaire. Avec un timbre plus lyrique, elles font apparaître la mélancolie. Tout cela révèle une partie d'un langage universel, qu'on emploie pour ajouter une couche supplémentaire au récit.
Vous soulignez souvent que son génie se trouve dans la relation qu'entretiennent la musique et les mots. Qu'entendez-vous par là?
Ses compositions se construisent autour de jeux de contrepoints. Lorsque Mrs Lovett câline un jeune larbin qu'elle a pris sous son aile, en lui disant que tout va bien se passer, la musique intervient avec des dissonances et des réminiscences, et nous fait interagir d'une autre manière avec la scène. La musique est aussi essentielle que les mots. Elle dit autre chose, sans n'être qu'un simple accompagnement. Je trouve cela vertigineux.
Pourquoi n'est-il pas très connu en Europe?
De manière générale, le cœur de la comédie musicale vient de Broadway et de Londres. Ici, c'est encore plus épars. Les Américains entendent ces airs depuis tout petits à la radio, tout ça est ancré en eux. Même si en Suisse on est aujourd'hui davantage dans une démarche d'importation d'œuvres, il y a aussi une réelle volonté de créer du théâtre musical. Et de développer des projets originaux. On cherche également à casser les codes pour redéfinir les arts de la scène. La limite entre les différents genres devient de plus en plus ténue.
Qu'est-ce que qui vous nourrit tant chez ce compositeur?
C'est un puissant fond de subtilités, de détails. Plus je travaille dessus, plus je découvre ses secrets.
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