Le nombreux public et les médias francophones qui se sont pressés au Palais de justice durant trois jours ne s’y sont pas trompés. Les débats autour du volet suisse de l’affaire Ramadan ne s’inscrivent pas seulement comme les prémices du procès français. Ils disent les tourments d’une époque incandescente traversée par les questions de la domination masculine, de la libération de la parole et de la confiance qu’on lui accorde.
Signe de cette nervosité, jamais la sécurité du tribunal n’a dû expulser autant de monde durant un procès. Un procès dont l’issue n’autorise aucune nuance. Quand les juges livreront leur verdict, mercredi, avant que le dossier ne soit examiné par les instances supérieures, il restera soit un prédateur, soit une menteuse vengeresse, soit des juges désarmés faute de preuves suffisantes.
De fait, ce procès pour viol est condamné à laisser un goût d’inachevé. Car depuis la libération de la parole suivant l’onde #MeToo, la justice se trouve bien empruntée face aux dénonciations qui se multiplient. Tiraillée par une époque qui veut des réponses immédiates et ses sacro-saints principes de fardeau de la preuve et de présomption d’innocence.
En témoigne la présence effacée d’un Ministère public qui – tout en qualifiant la plaignante de crédible – a semblé sur la réserve. Ou les questions appuyées des juges, dont le ton sonnait comme un message: Madame doit s’expliquer sur sa plainte au moins autant que Monsieur qui est suspecté d’agressions sexuelles.
L’affaire Tariq Ramadan, hantée par son volet français d’une ampleur plus grande encore, son personnage central charismatique et son retentissement médiatique, est un test d’envergure. Les protagonistes jouent très gros. L’institution judiciaire également.
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Éditorial – Le procès d’une époque clivante
L’affaire Tariq Ramadan met en exergue les tiraillements d’une justice condamnée à décevoir.