Roman coup de foudreLe scoop amoureux de Peter Stamm
L’immense romancier de Winterthur dévoile «Les archives des sentiments».

Dans «Les archives des sentiments», viré par son employeur, un documentaliste inspecte ses cartons remplis de vieux dossiers classés. Au chômage, cet homme à l’ancienne reproduit les gestes, découper, ordonner, décrypter. Reclus dans sa tanière, le solitaire applique sa méthode à sa propre existence, s’intéresse ainsi à une femme aimée, quittée, perdue. «Je ne t’aime pas parce que je t’aime», lui avait balancé cet amour de jeunesse, une chanteuse en route pour la célébrité. Il en avait conçu «un bonheur semblable au malheur».

Peter Stamm se dédouble dans cet observateur indécrottable, bien conscient que décrire «les plus grands moments d’effervescence affective» permet de les mettre à distance. Et d’en souffrir un peu moins. C’est aussi le moment des introspections, ratés et omissions qui auraient pu changer le cours d’une vie. La mélancolie vient vite panser le risque d’amertume, tamponne comme une caresse cotonneuse, ennoblit les défaites. L’auteur zurichois, en huit romans et six recueils de nouvelle, a souvent voulu répertorier l’émotion, la retenir ou, au contraire, la quitter pour mieux en saisir le caractère inoubliable.
De Barbara à Franziska
Avec cet habile fabuliste de souvenirs perchés entre fantasmagorie et réalité s’échafaudent des paysages mémoriels. «Mais ce n’est pas Franziska, admet le narrateur dans sa rêverie. C’est moi qui essaie de me consoler. Comme si je voyais dans ses traits mes propres traits qui déforment les siens, comme une image tirée d’un film d’horreur…» En arrière-plan de cette passion feutrée brûlent des espoirs démesurés, des envies contrariées que l’amour dure toujours comme dans les chansons de Barbara au répertoire de sa Franziska. Et une acceptation nouvelle dans le travail de Peter Stamm, 60 ans, l’idée qu’un autre soleil viendra le réchauffer.
«Les archives des sentiments»
Peter Stamm
Éd. Christian Bourgois, 200 p.
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