Arts visuelsLe seul musée ouvert en Suisse est à Cully
Visible vingt-quatre heures sur vingt-quatre et le dimanche, la Kunsthalle Marcel Duchamp propose une nouvelle exposition avec à l’affiche Ugo Rondinone, le plasticien schwytzois, pointure internationale de la scène contemporaine.

Format mini, la Kunsthalle Marcel Duchamp de Cully a toujours fait preuve d’une détermination inversement proportionnelle à ses 45 cm de large sur 75 cm de haut! La capsule espace d’exposition qui se dresse sur la place d’Armes, tout près du lac, vient même de ressusciter après deux ans de latence.
L’envie d’art et le désir d’exister pour l’art étant les plus forts, ils ont effacé la déception de passer inaperçu dans un environnement politico-touristico-économique davantage attiré par le spectaculaire. Les demandes, les sollicitations, l’intérêt venaient d’un ailleurs… fasciné par ces micros accrochages – plus d’une cinquantaine en dix ans portés par de belles signatures de la scène suisse ou internationale, comme le Chinois Ai Weiwei, l’Allemand Norbert Bisky ou le Brésilien Cildo Meireles.

Tous ont aimé, tous, en acceptant d’être encapsulés dans un espace restreint et de créer au format miniature. Tous ont défendu la mesure lilliputienne, si signifiante, face à la dilution du message dans le gigantisme d’expositions qui aligne des centaines d’œuvres. Revenir à l’essentiel, à la juste mesure, c’est sur ses fondamentaux qu’est née la Kunsthalle Marcel Duchamp (KMD), un pari matérialisé par un format métaphorique. Ce n’est donc pas par opportunisme – et encore moins par esprit de revanche – que les deux étages du plus petit musée d’art du monde sont ouverts, une exception qui en dit long sur les modèles du monde de l’art, en plus d’être transcendée par la poésie d’Ugo Rondinone.
Le chaud et le froid
Né au bord du lac des Quatre-Cantons, le plasticien qui vit et travaille à New York manie les matériaux tel un alchimiste qui jongle avec une collection de fioles. Dans «Feeling the Void and the Rhone – Ressentir le vide et le Rhône», il fait souffler le chaud avec ses graviers rouges – des braises incandescentes au premier étage – et, au-dessus, le froid avec ce cheval de verre qui semble sortir d’un glacier avec ses nuances de bleu et ses transparences. Parmi les géants de la scène contemporaine internationale de l’art, le plasticien mise sur la dualité, le solide et le flamboyant, l’altérable et l’invariable plus que sur le combat des hiérarchies. Mais surtout il se refuse à développer et même à livrer ses pensées d’artiste, celles qui ont fait surgir l’œuvre.

«Ugo Rondinone cherche avant tout à créer une émotion, appuie Stefan Banz, directeur de la KMD, et en baptisant son cheval «The Rhone», il provoque notre imaginaire, on cherche pourquoi, on se pose d’autres questions.» Le lac n’est pas loin – et par extension, son fleuve nourricier – d’ailleurs ses frémissements se voient à travers la Kunsthalle, il y a cette fluidité, cette variation d’atmosphères qui se font écho entre l’œuvre d’art et son environnement.
«Ugo Rondinone n’est pas dans la signification de quelque chose, ce sont nos émotions qu’il attise.»
«Sauf que Rondinone, reprend celui qui le connaît depuis plus de trente ans pour avoir organisé, à Lucerne, sa toute première exposition personnelle, n’est pas dans la signification de quelque chose, ce sont nos émotions qu’il attise, c’est dans la dimension poétique qu’il cherche à nous attirer avec son travail.» Une beauté placide et suprême qui rayonne dans l’espace et l’esprit, filant ainsi la métaphore du plus petit musée d’art du monde.

Cully, place d’Armes
Jusqu’au 15 mars 2021www.akmd.ch
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