À Torgon, comme dans beaucoup d’autres stations suisses, le manque de neige du début d’hiver 2022/2023 a un air de déjà-vu. Le village perché au-dessus du Chablais valaisan se vante depuis des décennies d’être le premier accès au vaste domaine franco-suisse des Portes du Soleil pour les skieurs venant de l’arc lémanique. Mais combien de temps encore pourra-t-il brandir cette carte de visite? L’avenir des remontées mécaniques locales, désormais promises à la faillite, paraît tout sauf une évidence.
Une photo prise il y a douze ans à cet endroit a marqué les esprits. Nous étions en reportage à Torgon, skis aux pieds, afin de montrer la lutte pour l’or blanc. C’était le début du mois de février, en pleine douceur hivernale (déjà…). Le soleil cognait dur sur la station, privée du moindre flocon depuis la mi-janvier. Sur les pentes orientées au sud, les skieurs devaient slalomer entre des zones herbeuses de plus en plus marquées.
La scène emblématique s’est présentée sur la piste de montée du téléski de Djeu des Têtes. Un employé au volant d’une dameuse amenait la neige qu’il venait de racler un peu plus loin, pour colmater les trous dans l’étroite bande blanche. Deux de ses collègues l’aplatissaient tant bien que mal avec des pelles, juste avant le passage de skieurs éberlués. Ma collègue Chantal Dervey a pris ce cliché pile au bon moment, en profitant de la belle lumière de cette fin d’après-midi.

Quelques jours plus tard, un ami habitant la région m’a reproché d’avoir mis en exergue une image trompeuse dans l’article publié dans «24 heures», puisque d’autres secteurs de Torgon, moins exposés au soleil, avaient bien meilleure allure. À la veille des vacances scolaires vaudoises, le journal infligeait ainsi une mauvaise publicité à la station.
Il n’y avait pourtant aucune intention malveillante dans ce travail. Simplement la volonté de dépeindre les difficultés grandissantes des domaines skiables de basse et de moyenne altitude face au réchauffement climatique. Mais aussi et surtout de montrer les efforts déployés par les gens du coin pour sauver la saison touristique. D’ailleurs, les clients croisés ce jour-là se disaient reconnaissants et unanimement satisfaits de leur séjour.
«La procédure de faillite ne sera enclenchée qu’à la fin de l’hiver. Le temps, comme beaucoup l’espèrent, de trouver une solution pérenne.»
À Torgon, on espérait à cette époque voir se concrétiser un ambitieux plan de relance à 100 millions de francs. Renouvellement des installations mécaniques, enneigement artificiel, complexe de «lits chauds»: tout cela est aujourd’hui au fond d’un tiroir. Les exploitants ont enchaîné les exercices dans le rouge. L’État du Valais a refusé d’abandonner les créances de Télé-Torgon SA et d’entériner le rachat des actifs par la Commune de Vionnaz pour 1 franc symbolique.
Seule concession: la procédure de faillite ne sera enclenchée qu’à la fin de l’hiver. Le temps, comme beaucoup l’espèrent, de trouver une solution pérenne. Ou d’amorcer une transition vers un modèle différent… aux contours encore incertains.
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La rédaction – Le ski, encore et toujours, mais à quel prix?
En manque de neige et d’argent, la station de Torgon (VS) est promise à la faillite. Une photo prise il y a douze ans racontait déjà pareille histoire.