«Le Matin Dimanche» du 23 avril publie un article sur le travail des retraités. Migros et Coop (notamment) envisagent cette nouvelle main-d’œuvre, une «révolution dans le monde du travail», qui résoudrait la pénurie actuelle de personnel.
Cette brillante idée fait l’impasse sur les débats actuels de l’âge du départ à la retraite, et provoque un profond malaise, tant les auteurs semblent ignorer que le travail n’a pas la même signification pour tout le monde. La population n’est pas une matière homogène, elle est socialement située, sexuée, ne vit et ne travaille pas dans les mêmes conditions.
«La Suisse championne de l’espérance de vie, l’équation semble aller de soi: prolonger le temps de travail.»
Quand les rentes ne suffisent pas pour garantir le niveau de vie antérieur (ce que prévoient les trois piliers), travailler n’est pas un libre choix. «Si les gens continuent de travailler, c’est qu’ils vont bien», dit l’article. Qu’en pense la caissière à la Coop qui doit, en même temps qu’elle tient sa caisse, aider les clients au self-scanning et remplir les rayonnages? Tout récemment, «24 heures» évoquait également «l’amour du travail» des retraités, bien qu’un quart travaillent par nécessité économique.
La Suisse championne de l’espérance de vie, l’équation semble aller de soi: prolonger le temps de travail. «Une personne qui prend sa retraite à 65 ans va vivre encore quinze à vingt ans en bonne santé.» Autant faire profiter le marché du travail! Cependant, s’il faut encore travailler pour joindre les deux bouts, ce n’est pas un progrès social.
Difficile d’éviter de faire le lien entre cet article et le référendum LPP, en cours. Ce référendum combat les attaques du système de retraite: l’augmentation du taux de conversion, qui fera baisser les rentes, et qui aboutit à plus de cotisations, donc moins de salaires, pour de plus petites rentes. On doit justifier les mauvaises réformes d’un système à bout de course.
Comment? En fabriquant gentiment de nouvelles idées qui «normalisent» ce qui aujourd’hui encore ne l’est pas, comme travailler après l’âge légal de la retraite. Bientôt «on ne parlera plus de retraités mais de ressources disponibles», dit l’article. Je me réjouis d’aller manger avec mes ressources familiales le week-end prochain!
Les bonnes questions
Le but de la retraite est de disposer d’une qualité de vie au moment de prendre un repos mérité, après une vie de labeur. À l’heure de l’intelligence artificielle, des évolutions technologiques et d’une accélération qui nous épuise, l’idée du travail des retraités pour résoudre les problèmes de financement et de pénurie empêche de se poser les bonnes questions. L’âge de la retraite n’arrive pas au terme d’une même carrière professionnelle, il y a des réalités différentes.
Commençons par garantir des salaires suffisants (une initiative pour le salaire minimum est en cours), des salaires égaux entre femmes et hommes, et envisager un système qui repose sur un équilibre entre actifs et retraités, plus proche de la réalité des salariés et plus solidaire.
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L’invitée – Le travail des retraités: mauvaise idée
Le travail n’a en effet pas la même signification pour tout le monde. Explications.