PortraitLe voyagiste découvreur a donné son âme au théâtre
Philippe Laedermann Le directeur du Théâtre du Pré-aux-Moines de Cossonay aime les gens en positif hypersensible

Ce qui frappe d'emblée chez Philippe Laedermann, c'est son énergie, sa gentillesse et sa positivité. Ces qualités sont innées chez le directeur du Théâtre du Pré-aux-Moines de Cossonay, qui accueillera jeudi et vendredi une version originale de La femme du boulanger par la compagnie Baudrac & Co., à l'occasion des 120 ans de la naissance de Marcel Pagnol. Mais le Vaudois de 65 ans a dû cultiver ses qualités davantage encore pour «apprivoiser» sa vie «au jour le jour» et apprendre à survivre au «drame insensé et pas dans l'ordre des choses» qui a bouleversé son existence et celle de son épouse Tania il y a un peu plus de dix ans: le décès accidentel de leur fille unique, Jessica, à l'âge de 16 ans.
Quand l'esprit de cet hyperactif n'est pas occupé par ses projets artistiques, le sexagénaire pense immanquablement à la disparue dont il ressent l'absence physiquement. «Cette douleur est vivante. Je ne peux pas la dissoudre, juste l'apprivoiser. Et continuer à vivre pour Jessica. Aujourd'hui mon réconfort est que nous ayons pu vivre et partager seize années de bonheur ensemble.» Alors, bien qu'«abasourdi», Philippe Laedermann a choisi de continuer à garder en ligne de mire ce qui lui semble être l'une des missions de chaque humain: «Donner ce qu'on a en nous pour les autres.» Pour lui, cela passe par l'amitié, le partage et le théâtre.
Vivre une soirée dans les travées du «Pré-aux-Moines» (PAM) suffit à ressentir que son directeur y a insufflé une âme. «Philippe et son collègue Jean-François Guex ont su incarner ce lieu et lui donner un peu de leur personnalité. Il construit sa saison comme un artisan. Il la cisèle tel un découvreur ayant su garder intact son capital enthousiasme», explique Pascal Pellegrino, fin connaisseur du théâtre et rédacteur en chef du Journal de la région de Cossonay. Résultat: les coups de cœur du directeur font souvent mouche et le public le suit avec confiance. Presque aveuglément. D'autant qu'au Pré-aux-Moines, échanger avec les artistes autour d'un verre à l'issue de la représentation est la norme.
Voyages par procuration
Au départ pourtant, pas grand-chose ne destinait Philippe Laedermann au théâtre. Son papa, rédacteur en chef à La terre romande, et sa maman, dont le père dirigeait la NZZ, auraient pu le pousser vers le monde du journalisme. Mais son beau-père Frank Guibat, leader du célèbre chœur La Chanson de Lausanne, a ancré l'art dans sa vie. «A l'époque, nous habitions à Epalinges, un vivier artistique. Emile Gardaz ou Charles Apothéloz venaient répéter à la maison. De mon côté, je faisais les quatre cents coups avec Pascal Auberson et j'étais souvent intégré comme figurant dans des spectacles. Cette ambiance créative et libre m'a profondément imprégné.»
A l'aube de l'âge adulte pourtant, un conseiller en orientation, qui le juge très doué pour le contact humain, encourage Philippe Laedermann à se lancer dans un apprentissage chez Wagonlit Cook. «Une chance incroyable, résume-t-il en optimiste invétéré. Le voyage était un domaine d'évasion me convenant à merveille. Tout au long de mes quarante années de carrière comme agent de voyages, j'ai adoré rêver le périple de mes clients avec eux puis le concrétiser!» Le jeune homme deviendra chef d'agence à Morges à seulement 22 ans. En parallèle, il arrondit ses fins de mois comme auxiliaire au Théâtre municipal (devenu aujourd'hui Opéra de Lausanne). «J'étais un peu l'homme à tout faire. J'y ai même sulfaté les rideaux à l'eucalyptus, car cela dopait la voix des cantatrices!»
«Supporter l'insoutenable»
Les années passent. L'amour du spectacle demeure. Partout où il passe, Philippe Laedermann sème un peu de son enthousiasme et le voit germer. A Denges, il crée le Festival de jazz et récidive à Bournens en lançant 1035 Jazz Avenue avec une bande de potes baptisée «Toujours les mêmes». «Et pour cause, la plupart participent aux spectacles au PAM régulièrement aujourd'hui encore!» A l'époque, Philippe Laedermann commence à être surnommé «le chef» par ses amis. Non pas pour cause d'autoritarisme, mais pour son côté entreprenant et fédérateur. «J'aime les projets qui soudent les gens, quand on a une idée, des intentions, des envies et qu'il se passe quelque chose.»
Malgré sa passion pour la scène, le théâtre n'est en un sens qu'un prétexte pour Philippe Laedermann: celui qu'il s'est choisi pour cultiver le partage et l'amitié. «Philippe aime autant son public que les artistes, et il favorise les échanges entre eux, ce qui devient trop rare. C'est un hypersensible qui sait donner et a aussi un grand besoin de recevoir. Il est mon gros nounours préféré! Et puis, il est d'une fidélité absolue en amitié», confie le metteur en scène Gérard Demierre, son ami depuis trente-cinq ans. Ce sont autant ce savoir-être que ses connaissances qui ont propulsé Philippe Laedermann sur le tard à la tête du Théâtre du Pré-aux-Moines. Et ce sont ces belles amitiés cultivées tout au long du chemin qui lui ont «donné la force de supporter l'insoutenable» lors de la disparition de Jessica. «Ce bonheur de partager et d'être ensemble, ça fait du bien», conclut l'intéressé, l'œil brillant, en évoquant ces moments du passé où le mur entre artistes et spectateurs est tombé dans son théâtre.
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