L’exposition du photographe Henri Cartier-Bresson n’est peut-être pas parmi les affiches les plus ostentatoires de la Fondation Gianadda qui, parallèlement, rappelle dans une campagne de pub au format mondial qu’elle a déjà fait venir dix millions de visiteurs à Martigny. Mais cette exposition qui rend audibles les amitiés de Léonard Gianadda – aux cimaises, les tirages offerts par Cartier-Bresson au peintre et pastelliste Sam Szafran et légués à la fondation –, tire aussi le portrait du seigneur des lieux. Au propre, en creux et… en gloire!
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Sa photo, dont la présence ne surprendra pas les ergoteurs, prend la tête du parcours: il est fier, Léonard Gianadda, l’académicien. Et il ose l’être, même dans cette Suisse qui, souvent, juge les conquérants. Ses réussites – avec, parmi les plus récentes, les sorties exceptionnelles d’«Impression, soleil levant» de Monet ou du «Discobole», pour déballer à Martigny leur statut d’icônes de l’histoire de l’art – lui donnent raison. Début août, c’est un bronze inédit d’Auguste Rodin représentant Victor Hugo marchant nu que le Valaisan installera dans son parc de sculptures. Deux autres exemplaires rejoindront le Musée Rodin à Paris et à Besançon, ville natale du poète.

Des cadeaux du mécène qui, version «lion de Martigny», s’entend fort lorsqu’il est dans les murs. On le sait. En déambulant dans la fondation, on surprend aussi la folle admiration du public, qui ose l’aborder. Des Belges, fidèles depuis vingt ans et qui plébiscitent le jardin où il n’est pas interdit de marcher sur les plates-bandes: «C’est un esprit, autant qu’une réussite.» Ou ces Américains qui se font confirmer par Google qu’ils ont bien, devant eux, le génie des lieux. Beaucoup veulent garder un souvenir de cette rencontre. Et, les uns après les autres, leurs clichés figent le sourire d’un Léonard Gianadda murmurant, presque timide: «Vous êtes ma récompense.»
«Je n’arrive pas à te prendre à l’improviste, ta vivacité fait que tu as déjà vu l’appareil.»
La preuve que la fière assurance cache aussi une belle modestie. Noblesse de l’âme, elle est nourrie par cette foi en l’impossible qui devient réalisable comme par cette témérité obstinée qui a permis d’inscrire la fondation dans le monde de l’art. Habitée, encore, par cette faim de collectionneur devenue insatiable pour le bonheur du partage avec le plus grand nombre. Alors… cette photographie-là, on l’a moins vue. Pudeur? Sagesse? Même «l’œil décisif» de Cartier-Bresson ne l’a pas glissée dans son album! Un regret, lui écrit-il: «Je n’arrive pas à te prendre à l’improviste, ta vivacité fait que tu as déjà vu l’appareil.»
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Editorial – Pour l’amour de l’art – Le vrai Léonard Gianadda entre deux photos
Jamais avare de grands gestes, le mécène valaisan fait mouler en trois exemplaires un inédit de Rodin, dont l’un sera exposé dans son parc de sculptures à Martigny.