Formation iconoclasteL’école d’informatique recrutera en mode «Hunger Games»
Gratuite, sans profs et sans diplôme reconnu à la clé, l’École 42 ouvrira cet été à Renens. Elle sélectionne des petits génies de l’informatique dès février.

Une école gratuite, sans profs, sans exigences de diplôme à l’entrée et basée sur le jeu, qui n’en a pas rêvé? Dès cet été, l’École 42 s’ouvrira à Renens pour former des petits génies de l’informatique. À partir du 15 février, elle lancera son processus de recrutement, aussi drastique que son enseignement est iconoclaste, en ciblant notamment les profils «atypiques». L’institution reproduit un concept lancé en 2013 en France qui fait des petits à l’international, avec 19 enseignes de Moscou à Bogota. Le site de Renens sera le premier en Suisse, soutenu par plusieurs mécènes, dont Swisscom, QoQa et Infomaniak.
Forte compétition
«L’École 42, c’est un grand jeu. On sélectionne les meilleurs joueurs et à la clé, ils ont un métier», résume Christophe Wagnière, le directeur. Le cursus est conçu pour durer trois ans, pour une première volée de 150 à 200 étudiants, qui seront formés pour la plupart en tant que développeurs.
Côté pile, les frais seront gratuits, mais les places seront chères. Dès le 15 février et au cours des mois suivants, les sélections s’ouvriront avec un test en ligne d’une durée de deux heures comprenant des questions de mémoire et de logique. Et si le défi ne demande aucune compétence, Christophe Wagnière prévient: «Nous avons dans notre équipe un ingénieur et un expert des maths qui l’ont tous deux raté.»
«L’École 42, c’est un grand jeu. On sélectionne les meilleurs joueurs et à la clé, ils ont un métier.»
Au terme de cette première sélection, les choses se corseront pour les candidats. Ils seront invités à participer à quatre semaines d’épreuves cet été, qui pourraient mettre en lice jusqu’à 600 personnes. Au menu: des journées de douze à treize heures, week-end compris, avec des problèmes et des énigmes à résoudre, et un esprit de compétition qui évoque presque le film «Hunger Games». Christophe Wagnière ne craint pas la comparaison. «C’est un peu ça. C’est plus proche du camp militaire que de la promenade de santé. Nous voulons tester leur résistance physique et psychologique. Ceux qui ont faim ne se plaignent pas. On ne change pas le monde en travaillant 42 heures par semaine.»
Le directeur rassure, le rythme soutenu des sélections ne sera pas le même durant la formation. Mais celle-ci ne manque pas non plus de détonner. Aussi basée sur le principe du jeu, elle exigera des étudiants qu’ils trouvent eux-mêmes, et avec l’aide de leurs pairs, les solutions pour mener des exercices et projets à bien, quitte à recommencer jusqu’à réussir à passer au «niveau» suivant. Le tout sera validé par un programme informatique, avec un encadrement ultraléger de cinq coaches et le soutien d’une équipe pédagogique basée à Paris.
Profils atypiques
Alors que les hautes écoles et l’EPFL forment déjà des spécialistes de l’informatique, l’Écoule 42 prétend former des profils différents, quitte à recruter des personnes sans aucun diplôme. «Pour faire face à la pénurie d’informaticiens, il faut aller chercher plus de gens», défend Christophe Wagnière. De fait, selon l’association ICT-Formation professionnelle Suisse, il manquera 36’000 spécialistes du domaine d’ici 2028 à l’échelle nationale. «Nous cherchons des personnes qui pensent différemment et qui ne peuvent pas accéder à des formations de type HES.» Parmi eux, il cite les surdoués déscolarisés, les jeunes au parcours chaotique ou encore les informaticiens au chômage. «Certaines institutions et entreprises cherchent les Lisbeth Salander de demain», image-t-il, faisant référence à la hackeuse aussi géniale que socialement inadaptée des romans «Millénium».
Parmi les partenaires de l’école, Swisscom se dit convaincu par le concept. «Dans une guerre des talents, nous souhaitons non seulement contribuer à leur développement mais aussi par la suite pouvoir engager des personnes qualifiées», commente Alicia Richon, porte-parole. L’opérateur est l’un des plus gros contributeurs, sachant que la moitié du budget (7 millions de francs sur cinq ans) aurait déjà été rassemblée.
Controverses
L’intérêt des entreprises pour cette formation sera d’autant plus crucial que les diplômes délivrés n’auront aucune reconnaissance officielle, au contraire des formations professionnelles, universitaires ou en haute école. «Nous avons la reconnaissance du marché», justifie Christophe Wagnière. Pour les futurs étudiants, cela peut ressembler à une aventure sans filet, même si les sponsors de l’école promettent d’ores et déjà de proposer des stages, notamment QoQa. En France par exemple, plusieurs milliers de personnes sont sorties des écoles 42, mais le bilan de leur entrée dans le monde du travail reste encore à faire.
Présentée comme étant de classe mondiale, la formation n’est en outre pas étrangère aux controverses. En 2018, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en France, a épinglé l’école de Paris pour avoir soumis ses étudiants à une vidéosurveillance excessive. Un climat sexiste avait également été dénoncé auparavant. Christophe Wagnière assure que ces problèmes ont été réglés et que la vidéosurveillance et la protection des données répondront aux normes à Renens.
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