L’état d’un réseau ferroviaire en dit beaucoup sur le pays qu’il dessert, la région et sa culture. La différence d’écartement des rails en Russie marque ainsi la frontière entre l’Europe continentale et l’Eurasie. La privatisation de British Rail reste le symbole de la vision britannique du moins d’État. En Belgique, les tensions communautaires entre la Flandre et la Wallonie sont au cœur du développement de l’offre.
Le rail helvétique est tout aussi révélateur. Le chantier de la gare de Lausanne en est la manifestation la plus récente. Ce carrefour est déterminant pour la Suisse occidentale. Et pourtant. La fin des travaux de modernisation, élaborée en 2010, a été annoncée pour 2025, puis 2032 ou 2033. Les CFF et l’Office fédéral des transports (OFT) viennent de la fixer à 2037. Et un énième report n’est théoriquement pas à exclure.
«Pendant que les Romands pataugent, les Alémaniques construisent.»
Cet atermoiement souligne le Röstigraben ferroviaire. Pendant que les Romands pataugent, les Alémaniques construisent. Une rumeur prétend que les Zurichois n’ont pas attendu l’autorisation formelle avant de donner le premier coup de pioche de leur seconde gare centrale du futur (desserte souterraine sous le bâtiment historique, 190 magasins et restaurants) qu’ils ont inaugurée… en 2014. Lorsqu’il sera fonctionnel, le projet lausannois aura déjà 50 ans de retard.
Des effets visibles
Cette double réalité n’est pas nouvelle. C’est d’ailleurs le rôle des institutions de ramener l’ensemble à l’équilibre. Le renvoi du projet lausannois et tous les autres (gare de Genève, troisième voie lémanique, ligne du Simplon) montrent toutefois que cette tâche est mise à mal. Pire, l’accumulation commence à produire ses effets sur l’offre: un réseau national à deux vitesses se profile pour le voyageur. Le temps de trajet entre Berne et Zurich ou Bâle est passé à moins d’une heure. Alors que celui entre cette même capitale fédérale et Lausanne reste à plus de soixante minutes. Et l’écart se creuse. À terme, les trains directs sans escale entre l’est et l’ouest, le nord et le sud du pays sont menacés.
La corde est tendue, mais elle tient encore. Pour éviter la rupture, il faut renvoyer chacun à ses responsabilités. Les citoyens doivent privilégier le train. Le lobbying romand, être plus convaincant. Les CFF et l’OFT, cesser leurs ajournements. Le Conseil fédéral, fixer les priorités. Au final, c’est la cohésion nationale qui est en jeu. La Suisse est faite de bric et de broc. Moteur industriel, son réseau de chemin de fer est devenu une colonne vertébrale historique. Un ciment existentiel entre Alémaniques et Latins.
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Grain de sable – Les CFF, ciment existentiel
Le récent renvoi du chantier de la gare de Lausanne confirme la présence d’un Röstigraben. Une correction est nécessaire. La cohésion nationale est en jeu.