Beau livreLes Côtes de l’Orbe ont une belle bible
Un livre richement illustré se pose en ouvrage de référence sur un vignoble et une appellation dont la qualité ne fait plus de doute.

Le vignoble vaudois ne se limite pas aux terrasses de Lavaux ou aux arpents de La Côte. Tant s’en faut. Si les mentalités changent depuis plusieurs années à ce propos, on oublie encore souvent que dans le nord du canton, sur les coteaux en pentes douces des Côtes de l’Orbe ou la rive septentrionale du lac de Neuchâtel près de Bonvillars, le raisin est cultivé depuis des lustres.
Sans remonter jusqu’à Mathusalem, cette tradition date sans doute de l’époque romaine. Assurément du Moyen Âge, puisqu’un acte de l’an 814 fait état de la donation de Louis le Pieux – fils de Charlemagne – à l’église Sainte-Marie à Lausanne de «vignes» auprès de la villa d’Éclépens. On trouve aussi dans les archives du couvent de Romainmôtier l’attestation de l’achat aux frères Helgerius et Langerius d’une vigne à Arnex dans la seconde moitié du XIe siècle.
Ces faits historiques sont rappelés par Charles-Louis Morel dans la première partie d’un bel ouvrage collectif qui vient de paraître aux Éditions Attinger, «Vignobles et vignerons des Côtes de l’Orbe». Car l’ouvrage, s’il est centré sur la vigne et son produit phare, embrasse plus large. «Dans les Côtes de l’Orbe comme ailleurs, le vignoble c’est aussi une histoire, un environnement, un territoire, les communes qui le composent et les hommes et femmes qui le travaillent», explique Philippe J. Dubath, l’un des sept auteurs.
«La vigne, c’est une géométrie du plaisir.»
Tous partagent cette passion du vin et cette sensation que «leur» AOC n’est pas – encore – reconnue à sa juste valeur. Vigneron à Valeyres-sous-Rances et responsable du Groupement de promotion de l’appellation, Benjamin Morel ne dira pas le contraire: «L’idée de ce livre nous a immédiatement convaincus et je me réjouis de voir comment nous serons perçus, non pas par les fans que nous avons déjà, mais par ceux qui vont nous découvrir à travers ces pages.»
Elles sont près de 200, richement illustrées par les magnifiques photographies de Claude Jaccard qui a notamment «shooté» la vigne dans tous ces états. «La vigne, c’est une géométrie du plaisir», explique-t-il. Au gré des paragraphes, le lecteur découvrira de multiples anecdotes. Et si la liste n’est forcément pas exhaustive, on apprendra notamment l’existence d’une microvigne à Yverdon, commune qui figure bien au nombre des 24 localités de l’appellation Côtes de l’Orbe, comme Yvonand du reste, cela peut surprendre. La parcelle a été plantée en 1970 par Ernest Gudit à deux pas des usines Leclanché.
À majorité rouge
Le fruit de cette «vignette» de 0,02 hectare (204 m2) est vinifié par Bernard Gauthey, à Arnex-sur-Orbe, l’un des 27 artisans du raisin portraiturés dans le livre. «On a consacré davantage de places aux vignerons-encaveurs, ceux qui réalisent le travail de A à Z», précise l’un des auteurs de ces portraits, Philippe Tanner. Mais tous y figurent, par le texte et par l’image, comme l’ensemble des communes viticoles de ces Côtes de l’Orbe qui s’étendent entre Éclépens et Yvonand sur 183 km².
Les ceps qui les recouvrent à raison de 177,8 hectares, selon la statistique de 2019, produisent majoritairement du rouge (environ 71%), avec 62 hectares pour le roi gamay et 27 hectares pour le pinot noir. Mais, sur cette terre à rouge, le chasselas parvient à s’intercaler entre eux avec ses 29 hectares. Au total, ce sont plus de 25 cépages qui y sont cultivés, vinifiés et élevés. Des désormais classiques gamaret, garanoir, pinot blanc jusqu’à des spécialités plus confidentielles telles la marsanne, le mara ou… la petite arvine «plantée là pour faire la nique aux Valaisans», comme aime à plaisanter Jean-Daniel Gauthey du Domaine de l’Orme, à Arnex.

Imaginé au printemps 2019, «Vignoble et vignerons des Côtes de l’Orbe» a été tiré à 1000 exemplaires en décembre dernier. Et sa mise en vente a connu un joli succès. De quoi sans doute conforter son éditeur de réitérer pareille expérience. «Il existe d’autres belles appellations en Suisse romande, notamment dans les cantons de Vaud et Neuchâtel. À voir ce qui pourrait se faire d’ici deux à trois ans», sourit Emmanuel Vandelle. Une chose est sûre: loin de proposer du vin de messe, les Côtes de l’Orbe ont désormais leur Bible.
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