Quand un texte sacré condamne l’homosexualité, comment l’aborder sans violer la loi? Depuis juillet 2020, c’est une question qui se pose dans pratiquement tous les lieux de culte de Suisse. En effet, les appels à la haine et les discriminations sur la base de l’orientation sexuelle sont désormais interdits, au même titre que le racisme. S’il est nécessaire, le débat sur ce thème n’en est pas moins particulièrement sensible dans certaines communautés. L’Union vaudoise des associations musulmanes vient d’en faire l’expérience. Selon notre enquête, elle en sort plutôt grandie.
L’automne passé, cette faîtière, qui fédère la majorité des mosquées du canton, a organisé un atelier afin de «susciter une réflexion préventive à partir de versets à potentiel discriminatoire». Les versets du Coran listés comme base de discussion sont en effet sans ambiguïté dans leur rejet de l’homosexualité. Sans doute, l’initiative de l’UVAM demandait un certain courage face aux milieux conservateurs. Ceux-ci n’ont d’ailleurs pas manqué de réagir, l’accusant de dévoyer l’islam et ses valeurs.
Visiblement, la majorité des associations membres de la faîtière n’est pas de cet avis. Face à cette polémique, nous avons pris contact avec plusieurs responsables de mosquées, que leur public soit de culture arabe, turque ou balkanique. Certains nous ont renvoyés aux explications de l’UVAM, d’autres nous ont répondu par téléphone, d’autres encore nous ont ouvert les portes de leur lieu de culte. Tous affirment que l’atelier proposé par l’UVAM avait leur feu vert dès le début et plusieurs déclarent spontanément qu’aucun fidèle n’est discriminé, même si l’homosexualité est condamnée par leur religion.
En 2019, le secrétaire de l’UVAM Pascal Gemperli avait pris position pour le mariage pour tous. Il le faisait alors à titre personnel, tout en estimant qu’ouvrir un débat sur le sujet ne serait «pas plus mal». En 2022, sous la présidence d’une femme, Sandrine Ruiz, l’organisation ouvre une réflexion abordant à la fois les textes religieux et leur potentiel homophobe. Le soutien de nombre de mosquées à cette initiative montre en tout cas une chose: elles ne ferment pas la porte, même aux débats sensibles.
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Éditorial – Les débats sensibles ont leur place à la mosquée
Aborder le potentiel discriminatoire des textes sacrés? Malgré les critiques, l’Union vaudoise des associations musulmanes n’élude pas une réflexion délicate.