Les deux Vaudois qui régalent Antigua de leurs petits plats suisses
L'amitié d'Alain Herzig et Christophe Pache a démarré à la fin des années 1980 au Lapin Vert et se poursuit aujourd'hui au Guatemala, où ils tiennent chacun un restaurant.
Les baskets d'Alain Herzig ont tout juste quitté les énormes pavés de la Quinta Calle Poniente, la rue aux façades colorées où se trouve son Café Teatro, qu'elles passent déjà le pas de la porte du restaurant Chez Christophe. «Salut, gros sac!» Dans l'obscurité de la salle d'une soixantaine de places, encore vide à cette heure matinale, on distingue sur le mur, autour de la photo de l'équipe de foot d'Antigua, des écharpes du LHC ainsi qu'une photo des vétérans du LS. En présence d'une compatriote fraîchement arrivée en terre guatémaltèque, Christophe Pache ne peut s'empêcher d'évoquer «la saison catastrophique» du club lausannois. «Ce soir, j'ai foot de 19 à 20h. On boit des coups après?» lance le chef né au Mont-sur-Lausanne à son «pote», juste après leur accolade. Alain réajuste la casquette noire qu'il porte en arrière sur ses cheveux mi-longs argentés. «Évidemment! Buena onda!»
Du Lapin Vert au Panza Verde
S'ils trinquent aujourd'hui au rhum local, c'est autour de chopes de bière blonde que le Lausannois de 51 ans et le Montain de 48 ans se sont rencontrés, alors qu'ils avaient tout juste l'âge d'en boire. «Moi, je ne danse pas. Je tape du pied au concert d'ACDC. Mais Christophe est une star de la salsa!» Pourtant, le célèbre bar lausannois du Lapin Vert réunit le métaleux à pantalon en cuir ficelé (cousu main) et le champion de gym vaudois. «Jusqu'en 1989, je suivais un apprentissage de boulanger-pâtissier, raconte Christophe Pache (dont le nom correspond à une recette guatémaltèque à base de pommes de terre). Je faisais la fête jusqu'à 23h, puis j'allais au boulot et les potes passaient à 4h du mat' chercher les taillés aux greubons tout frais.»
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Alors qu'une allergie à la farine met fin à la formation boulangère du président de la Jeunesse du Mont-sur-Lausanne, Alain rêve déjà de son propre restaurant. «Petit, je voulais toujours mettre le nez dans les casseroles de ma mère! Mais ado, je ne voulais pas de ces horaires de cuistot. Ce n'était pas compatible avec ce qui m'intéressait: le rock, la fête et les filles.»
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Un CFC d'électricien en poche, le Lausannois aux yeux rieurs monte sa propre boîte de publicité puis devient gérant du Captain Cook Pub durant cinq ans. «La nuit où j'ai signé le contrat, on avait fait la fête avec le boss à l'Hôtel de la Paix. J'ai bu dix Manhattan. Le lendemain il m'a appelé pour savoir quand je voulais commencer, mais je n'avais aucune idée ce dont il parlait. J'avais oublié que j'avais signé!» Après avoir traversé l'Europe à 18 ans avec deux amis et une auto qui a fini par brûler en route et effectué en voiture, quelques années plus tard, le trajet Santa Barbara-Orlando en 32 heures par défi, il part en 1998 à New York avec un ami pour rejoindre le Mexique. «Très vite, il n'avait plus d'argent et je payais tout. Alors on est descendus jusque chez Christophe, à Antigua. On est restés deux mois. On a fait la fête comme lorsqu'on avait 16 ans!»
En effet, deux ans plus tôt, Christophe Pache, tombé amoureux de l'Amérique latine grâce à un voyage de la Jeunesse du Mont au Brésil en 1988, s'est installé un peu par hasard au Guatemala. «Le projet était de rallier Buenos Aires depuis Acapulco en une année. J'ai atterri à Antigua car la ville est très réputée pour ses cours d'espagnol», se remémore celui que les maraîchers installés sur le terrain de foot en terre d'Antigua appellent «Jefe» (chef) lorsqu'il fait ses courses de la semaine, une casquette Roger Federer vissée sur la tête. Après la deuxième journée de cours de langue, le Vaudois, qui parle aujourd'hui un espagnol sans accent, rencontre un Suisse qui l'embauche au Panza Verde («ventre vert»), un restaurant gastronomique où il reçoit en 2008 la Fourchette d'or du meilleur chef du Guatemala. «Ronaldo, Clinton et les plus grands narcotrafiquants du pays sont venus manger chez moi! Je n'avais pas prévu de rester au «Guate». Et puis je suis tombé amoureux…» affirme Christophe.
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L'amour du «Guate»
«Moi je suis bien tout seul», réplique Alain, provoquant un éclat de rire qui évoque à lui tout seul les folles soirées que les deux expatriés ont vécues ensemble. En arrivant à Antigua, celui qui a vu quinze fois Iron Maiden en concert s'associe au propriétaire du Macondo, l'une des boîtes de nuit les plus réputées d'Amérique latine. «Une nuit, après la fermeture, on était tous dans le jacuzzi et on entendait des klaxons devant mon portail. On a vite compris que personne ne pouvait leur ouvrir car le gardien s'était lui aussi glissé discrètement dans l'eau!» se rappelle celui dont les clients apprécient tout autant la cuisine que la compagnie. «Quand mon père est venu à Antigua, il a goûté mes plats et a dit: «C'est très bon. On se croirait à la maison!»
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Passionné d'échecs, le rockeur qui ne porte que du jean et du noir a installé des tables-jeux dans le Café Teatro, restaurant du lieu culturel El Sitio, qu'il tient depuis dix-sept ans et où il cuisine, tout comme Christophe, des plats helvétiques à base de fromages suisses confectionnés par des paysans guatémaltèques à 200 km de là. Ugo, un habitué, vient jouer chaque jour. «Alain est superconnu à Antigua! Cela fait vingt ans que je mange sa très bonne cuisine!» Au bout du bar, deux amies sont venues lui confier leur tristesse après avoir passé la journée à distribuer 400 portions de lasagnes que Christophe a préparées pour la zone sinistrée où l'éruption du Volcan de Feu a tué près d'un millier de personnes. Le ton d'Alain est doux. Il est prévenant et attentif à leur discours. «Je veux déménager loin de ce volcan, annonce l'une d'elles. Je vais faire comme toi et vivre à l'hôtel!» Alain est en effet arrivé à Antigua avec un sac à dos et affirme qu'il repartira avec un sac à dos lorsqu'il s'en ira pour aller vivre dans une cabane quelque part en Patagonie ou au Canada. «Mais pas tant que ma maman est en vie.» La famille, même à distance, c'est important.
Il est midi à Antigua, 20h à Lausanne. L'heure parfaite pour un appel vidéo avec le fils de Christophe, 18 ans (qui effectue son apprentissage au Central, au Mont-sur-Lausanne, où l'ancien directeur du Panza Verde l'a engagé), la sœur d'Alain ou «les potes de Suisse». «Ils nous manquent, c'est sûr. Comme la saucisse aux choux! Mais ici on se lève tous les matins et on est heureux», avance Christophe. «C'est vrai, confirme Alain. Au bout de cinq jours en Suisse, j'ai envie de rentrer. Les gens sont tellement stressés! Ici, tout passe mieux, tout le monde sourit tout le temps! On ne devient pas riches, mais on est contents.»
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