Micro-entreprise à la maisonLes granolas d’Ana ont bien migré de Caracas à Lausanne
Fuyant le Venezuela, l’institutrice exilée a recommencé à préparer graines et fruits dans son petit appartement, avec l’aide d’Alter Start.

Il n’est pas facile de recommencer sa vie à 8000 km de chez soi. Mais Guillermo et Ana Castro n’en pouvaient plus de la situation désastreuse du Venezuela socialiste. Lui — administrateur de deux sociétés — et elle — institutrice primaire — ne s’en sortaient pas. Ana s’est mise à fabriquer des granolas et des fruits séchés qu’elle vendait pour améliorer l’ordinaire. Mais cela ne suffisait pas. Ils ont finalement décidé de quitter leur pays en juin 2016. «On a tout laissé derrière nous, maison, voiture mais surtout famille», explique la quadragénaire dans un bon français au fort accent sud-américain.
Avec leur passeport espagnol, ils auraient pu choisir ce pays mais ils voulaient la meilleure éducation pour leur fils, aujourd’hui âgé de 12 ans. Et la sœur d’Ana, Maria, vivait déjà en Suisse depuis 2008. Les Castro ont obtenu un permis B, un travail pour Guillermo et un appartement qu’ils partagent avec Maria à Lausanne. «Ce qui est formidable ici, c’est la sécurité et la tranquillité. Je peux laisser aller mon fils à l’école sans avoir peur s’il est en retard à la sortie.»
Ana est une battante. Même si elle ne pouvait pas exercer ici son métier d’institutrice, elle voulait travailler. Et les granolas sont ressortis du placard. Elle relance donc Carakas Granola, avec l’aide d’Alter Start. Ce projet de la Fondation internationale pour la population et le développement encadre des migrants qui veulent monter leur microentreprise, les aide à s’adapter à un nouveau marché, à définir leur marque et leurs produits. «Ils ne donnent pas d’argent mais ils sont formidables, s’écrie Ana, et j’ai toujours des contacts avec eux.»
Comme à la maison
Depuis fin 2018, Ana et Guillermo fabriquent dans la cuisine de leur appartement des granolas et des barres aux fruits. Autant dire que leur four et leur déshydratateur fonctionnent à plein régime, même la nuit. «Je choisis toujours de faire mes recettes à faible température, pour conserver les nutriments des ingrédients», explique celle qui élabore les recettes avant qu’elles soient approuvées par son mari et son fils.
Les produits de Carakas sont donc sains, sans conservateurs ni additifs. Le miel est suisse, les flocons d’avoine du Moulin d’Yverdon, les fruits à coques de Biopartner ou d’Aligro. Le sucre de canne n’est pas raffiné. Les dates arrivent d’Arabie. Les oranges d’Espagne par une connaissance. Et l’ananas est bio, livré par un Togolais habitant en Suisse. «Avec lui et ce beau fruit, on a décidé de créer un granola bio. Mais c’est vrai que c’est un peu plus cher.»
Le goût avant tout
Dans le catalogue, les granolas sont divers, à la pomme avec en plus une compote de pommes qui vient enrober les graines, à la banane et aux cranberries, au chocolat et à la banane, ou au chocolat Ruby, ce drôle de chocolat un peu rouge. Les barres aux fruits sont délicieuses aussi. «j’aime tellement manger que j’ai envie de faire plaisir, que mes produits aient bon goût. Je ne cherche pas à faire des barres hyperénergétiques pour les sportifs, juste des douceurs pour les gourmands.»
«C’est super d’avoir le contact avec les passants et d’avoir leur retour.»
Ana réfléchit à de nouvelles recettes, comme ces noix et amandes caramélisées au miel et au sel. «C’est trop bon, m’a dit ma voisine de marché.» Parce que Carakas a enfin obtenu un petit stand à la Riponne, à Lausanne, le samedi, pour diversifier ses canaux de vente (voir encadré). «C’est super d’avoir le contact avec les passants et d’avoir leur retour. Cela m’encourage et cela m’aide à améliorer encore le goût de mes recettes. Mais c’est vrai que ce n’est pas le plus facile pour moi de trouver de nouveaux clients.» Heureusement, Guillermo livre aussi lui-même les commandes internet dans la région lausannoise.
Repartiront-ils un jour? «On s’était dit qu’on avait atteint le pire du pire au Venezuela quand on est partis. Mais chaque jour, c’est encore pire.»
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