Le cow-boy de Morris tire plus vite que son ombre. Les Jeunes socialistes sont tout aussi rapides pour dégainer de nouvelles initiatives: en 2016, contre la spéculation sur les denrées alimentaires, en 2021, pour l’imposition de certains revenus du capital à 150%, en 2022, sur la taxation des successions et des donations. Mais à la différence de Lucky Luke ils atteignent rarement leur cible, même s’ils s’y reprennent sans cesse. Quatre éléments condamnent généralement leurs actions.
Le premier est leur manque de crédibilité. En grande majorité jeunes, urbains, universitaires, ils n’occupent ni postes ni positions qui leur procureraient une expérience du monde de l’entreprise, de ses problèmes et de ses contraintes. S’ils sont actifs, ils le sont le plus souvent dans les appareils de parti, la communication et dans des fonctions sans responsabilité managériale dans le service public; leur formation est théorique, leurs discours parfaitement rodés mais déconnectés.
«Leurs discours débités mécaniquement illustrent leur incapacité à sortir des schémas simplistes et à penser au-delà de slogans éculés.»
Le deuxième est leur cécité idéologique. Le sociologue et philosophe français Edgar Morin a bien décrit le risque provoqué par ce qu’il nomme rationalisation, mais que l’on peut traduire par idéologie: «La raison est ouverte, la rationalisation est la logique close, démentielle qui, lorsque le réel ne se plie pas à cette logique, le nie ou lui met des forceps pour qu’il obéisse.» Dans ce contexte, leurs discours débités mécaniquement illustrent leur incapacité à sortir des schémas simplistes et à penser au-delà de slogans éculés: «Il suffit de prendre aux riches, il faut abolir le capitalisme et l’armée», etc. En écoutant leurs propos, on comprend que le monde réel n’existe pas à leurs yeux; il est tout bonnement reformaté et «rationalisé» à l’aune de leurs croyances.
En troisième lieu, le flou qui enveloppe leurs projections chiffrées, et surtout leur financement, alimente les soupçons d’amateurisme et les interrogations quant au sérieux de leurs projets.
Enfin, l’affectation des ressources visées reste imprécise. Défense du service public et de la classe moyenne, développement des transports en commun, appui à la transition écologique, tous des buts louables en soi, mais sans qu’une vision cohérente et des mesures convaincantes ne se dessinent, l’idéologie, les préjugés et l’inexpérience les privant de réalisme.
Profiler les initiants
Une question se pose alors: étant donné le profil des promoteurs, ne penseraient-ils pas d’abord à eux? Urbains, une offre accrue de transports publics les satisferait; diplômés, l’extension du service public leur offrirait les débouchés bien rémunérés qu’ils trouveraient difficilement ailleurs.
En conclusion, ces initiatives à répétition visent plus à profiler leurs promoteurs qu’à apporter des solutions. Au-delà de la lassitude qu’elles engendrent, elles créent deux grands risques. Le premier est d’occulter les vrais défis en détournant les débats vers des affrontements idéologiques portant sur des thèmes particularistes et parfois secondaires. Le second est d’affaiblir notre démocratie en l’exploitant à des fins partisanes.
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L’invité – Les Lucky Luke de l’initiative ont encore frappé
Pierre Aepli s’en prend aux initiatives à répétition des Jeunes socialistes.