Festival de musique de chambreLes Musicales d’Épalinges, havre du classique
Le pianiste Cédric Pescia a trouvé un nouveau lieu pour jouer avec ses amis. À la grande salle palinzarde du 7 au 12 mars.

Faire de la musique une promesse d’échanges entre public et musiciens, mais aussi entre les musiciens eux-mêmes, telle a toujours été la quête de Cédric Pescia. Afin d’échapper à la routine des récitals sautant d’une ville à l’autre, le pianiste vaudois basé à Berlin s’est fait programmateur pour créer un espace privilégié offrant une autre logique. De partage plutôt que de consommation. D’exploration et d’approfondissement plutôt que de copier-coller. Ce sera à nouveau le cas à Épalinges du 7 au 12 mars.
Pendant quinze longues années, Cédric Pescia avait pu accueillir au TKM de Renens ses rencontres à l’enseigne d’Ensemble en Scène. La collaboration entre le pianiste vaudois et Omar Porras, le directeur du théâtre, ayant pris fin, la manifestation s’est retrouvée un moment sans domicile fixe. Quelques concerts isolés ont pu être organisés ces deux dernières années à la Salle Paderewski de Lausanne. Mais ce lieu très sollicité ne pouvait pas convenir à la forme compacte chère à l’interprète, lequel conçoit son festival comme une «suite logique», avec ou sans fil conducteur.
Avec son comité, Cédric Pescia s’est donné le temps pour dénicher le lieu idéal. «Nous avons beaucoup cherché, et ce n’était pas facile de trouver un lieu accueillant et accessible, fait remarquer Jean-Michel Pittet, le fidèle agent, imprésario et organisateur du pianiste. Nous avons même pensé faire un festival itinérant, à la manière de la Guilde de la musique de chambre. Mais cela complique énormément la logistique et la communication.»
«Quand j’ai remis les pieds dans la salle, je me suis souvenu y avoir joué l’un de mes premiers concerts, à l’âge de 12 ans.»
Épalinges est soudain apparu comme cet eldorado un peu caché que le tandem Pescia-Pittet n’avait pas identifié. «La salle de spectacle convient tout à fait à nos envies, la Municipalité est enchantée et soutient notre projet, qui enrichit l’activité culturelle locale, mais aussi celle de l’agglomération lausannoise», fait remarquer la cheville ouvrière du festival. «Quand j’ai remis les pieds dans la salle de spectacle, je me suis souvenu y avoir joué l’un de mes premiers concerts, à l’âge de 12 ans, complète Cédric Pescia. J’accompagnais un chœur et on m’avait offert la possibilité de jouer une pièce solo. Ça devait être une petite sonate de Mozart.»
Miser sur Épalinges offre de multiples avantages à Ensemble en Scène, à commencer par une salle appréciée pour son acoustique. Le Sinfonietta et l’OCL y répètent régulièrement. Une petite saison culturelle est animée par la Commune, qui se trouve magnifiquement enrichie sur le versant classique en mars par la proposition de Cédric, alors qu’elle connaît déjà une certaine aura à travers le 1066 Festival en automne, ouvert sur les musiques d’ailleurs.
Cédric Pescia aime les cycles, les œuvres au long cours, les intégrales. «Avec «L’art de la fugue» de Bach, les «Sonates et interludes» de John Cage, j’aime énormément m’installer dans un long voyage, qui demande une certaine collaboration du public, même s’il y a des moments de lassitude aussi.» Cette semaine, le pianiste propose plusieurs de ces plongées dans un univers.
Requiem pour un glacier
Il y aura le vaste et redoutable «Trio» de Tchaïkovski, composé en hommage à son ami musicien Nikolaï Rubinstein. Mais l’interprétation de ce trio tragique convoquera cette fois une autre forme de disparition, celle des glaciers, à travers l’oraison funèbre du glacier Okjökull écrite par l’écrivain islandais Andri Snaer Magnason en 2019. Cédric Pescia et son épouse, Nurit Stark, arpenteront les austères chemins de «For John Cage» de Morton Feldman: «Il s’agit d’une longue pièce murmurée écrite sur deux portées, l’une pour le violon, l’autre pour le piano. Dans toute la littérature, je n’ai jamais vu quelque chose d’aussi intriqué pour des instruments si différents.»
Le festival se terminera par un dimanche entièrement consacré aux pages pianistiques de la dernière année de vie de Schubert. En tandem avec Philippe Cassard, Cédric Pescia se répartit les trois ultimes sonates, les «Klavierstücke» et les pièces à quatre mains, tout aussi sublimes: «Une musique visionnaire, qui voit dans le temps et l’espace, et qui appartient à d’autres sphères.»
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