Les nouveaux circassiens quittent la piste
Poétique, le cirque contemporain préfère l'émotion à l'enchaînement de numéros virtuoses.
À la prouesse, le cirque contemporain préfère la finesse. À l'«effet waouh», la poésie. Il y a une quarantaine d'années, des artistes venus de tous horizons, «transfuges d'autres mondes de l'art» selon la formule de la chercheuse Marine Cordier, se sont affranchis des codes traditionnels pour inventer le nouveau cirque. Délaissant volontiers le sacro-saint chapiteau bariolé et sa piste de sciure, délestés des paillettes et des atours du clown ou de Monsieur Loyal, ces saltimbanques préfèrent la narration à l'enchaînement de numéros hétéroclites et vertigineux. Jonglant entre les genres (acrobatie, théâtre et danse), ils esquissent des personnages dont le caractère évolue au fil du spectacle, racontent des histoires, façonnent un univers autour d'un thème.
«L'émergence d'une nouvelle esthétique circassienne apparaît liée au développement des arts de la rue au cours des années 1970», analyse Marine Cordier dans un article publié dans la revue «Sociétés contemporaines». Des pionniers tels que les Cirques Plume et Zéphyr ont ouvert la voie à une pléiade de créateurs explorant les potentialités d'un genre en constante évolution. Mais les artistes ne renient pas pour autant l'ensemble des codes classiques. Le Cirque Plume comme la compagnie Zingaro déploient ainsi leurs enchantements sous chapiteau. Les numéros animaliers, eux, sont revisités dans une optique éthique et complice. Fini le dressage et la contrainte, l'homme poétise la relation à l'animal. Héraut du genre, Bartabas, grand manitou de Zingaro, murmure à l'oreille de ses chevaux. En septembre dernier, la compagnie franco-catalane Baro d'Evel enchantait le Théâtre de Vidy (sous chapiteau) avec son bestiaire (deux chevaux magistraux, un corbeau facétieux et trois perruches folâtres).
Le point commun? Les frissons
Depuis plusieurs années, le cirque contemporain a conquis les salles de spectacle, dont les directeurs n'hésitent pas à hisser des créations audacieuses et oniriques à leur affiche. Rien que cette saison, le sublime et mélancolique «Donka» de Daniele Finzi Pasca, grand orchestrateur de la Fête des Vignerons, a ravi le public du Reflet, à Vevey. Le Français Yoann Bourgeois a embarqué les spectateurs de Vidy dans une rêverie nocturne avec «Minuit», au croisement de la danse, de la musique et du cirque. Venus de l'autre côté de l'Atlantique, les Québécois des Sept doigts de la main ouvraient la malle de leurs souvenirs familiaux dans «Réversible» à Beausobre, à Morges, et au Crochetan, à Monthey.
Au final, que le spectateur funambule penche pour l'un ou pour l'autre, les cirques traditionnel et contemporain produisent tous deux le même effet sur le spectateur: les frissons. Le premier par le vertige et la peur, le second par l'émotion et la poésie.
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«Musiciens du silence», les Mummenschanz ont imaginé un monde onirique
Loufoques ou futuristes, chamarrés ou nimbés d'un halo de lumière, abstraits ou figuratifs, les personnages des Mummenschanz sont reconnaissables entre mille. Ces drôles de créatures sont nées de l'imaginaire d'un trio de saltimbanques: le Zurichois Andres Brossard, l'Italienne Floriana Frassetto et le Bernois Bernie Schürch. Depuis 1972, la troupe crée des spectacles oniriques qui ont parcouru le monde entier – jusqu'à Broadway, s'il vous plaît! Surnommés les «Musiciens du silence», les Mummenschanz fabriquent leurs personnages à partir de mousse et de matériaux qu'ils recyclent. Ensemble, ils expérimentent, inventent, imaginent des numéros rocambolesques ou touchants, à la fois simples et élaborés. Vêtus de noir, presque imperceptibles, les artistes manipulent et donnent vie à ces héros extraordinaires, sans musique ni scénographie, les effets visuels suffisant à embarquer les spectateurs dans un monde à part. En 1988, leur patte si singulière donne une touche farfelue à la tournée du Knie.
De la triade fondatrice, seule demeure aujourd'hui Floriana Frassetto (Andres Brossard est décédé en 1992, et Bernie Schürch s'est retiré en 2012). Quatre nouveaux Mummenschanz ont depuis rejoint l'aventure: Christa Barrett, Kevin Blaser, Sara Hermann et Oliver Pfulg. N.R.
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