Les pionniers du Quatuor Sine Nomine
L'ensemble à cordes lausannois a anticipé très tôt les mutations du monde classique et défend fièrement son originalité et sa volonté de partage.

C'était en mai 2001, un ovni musical venait bousculer les traditionnelles saisons de musique de chambre à Lausanne: le Quatuor Sine Nomine créait son propre festival sur quatre jours à l'aula des Cèdres, avec pour mission de décliner le quatuor à cordes sous une forme variée et élargie avec des collègues et amis musiciens. À l'époque, cette initiative d'interprètes devenant producteurs de leurs propres concerts, était encore nouvelle dans le canton de Vaud, à l'exception de la Semaine internationale de piano d'Édith Fischer à Saint-Légier (basée sur une académie).
Son succès a certainement inspiré une autre génération de musiciens qui se sont à leur tour lancés dans l'aventure: Cédric Pescia à Kléber-Méleau depuis 2007, Christian Chamorel au Mont-sur-Lausanne dès 2009, Guillaume Hersperger avec son Week-End Musical de Pully à partir de 2012.
Avec une régularité toute helvétique, le festival Sine Nomine s'est inscrit les années impaires dans l'offre culturelle, en testant de nouveaux formats, d'autres lieux. On se souvient par exemple de l'année 2013, pour les 30 ans du quatuor, qui avait multiplié les propositions: Schubertiade en ville de Lausanne, cycle Brahms à Glion, création d'une musique de film pour «L'aurore» de Murnau au Capitole… Cette année, c'est la 10e édition et le festival retrouve la salle Paderewski comme en 2017, mais investit aussi l'église Saint-François pour la soirée de samedi, en explorant des univers encore plus diffractés, du XIIe au XXIe siècle (lire encadré)!
Mais revenons aux origines du projet. Au départ, le Sine Nomine s'était inspiré pour y avoir été invités, de concerts organisés par le Quatuor Manfred en Bourgogne, le Quintette à vent Moraguès en Charentes, ou le Quatuor Carmina à Winterthour. Il y avait aussi une volonté de retour aux sources, selon François Gottraux, second violon du quatuor: «Après une quinzaine d'années de carrière très vagabonde, nous avions ressenti le besoin de nous recentrer dans notre région et de faire venir ici les musiciens qu'on aime et qu'on admire, et avec qui on n'avait pas toujours l'occasion de jouer.» Car devenir organisateur de concerts permet non seulement de se programmer, mais aussi de (se) faire plaisir: «Nous avons été soutenus dans nos tournées par un cercle d'amis fidèles et généreux, poursuit François Gottraux. Ils contribuent aussi fortement à financer le festival, mais nous jouons pour eux. Et bien des programmes ne pourraient pas voir le jour autrement.»
«Après une quinzaine d'années de carrière très vagabonde, nous avions ressenti le besoin de nous recentrer dans notre région»
Se produire chez soi est aussi une manière plus aisée de trouver des financements. «Dans notre cas, reconnaît François Gottraux, on devait effectivement faire face à une baisse de nos engagements à l'étranger. Mais on se sentait aussi redevables à notre cité de nous avoir formés, de transmettre à notre tour. Et de toute manière, l'énergie et le temps qu'on y passe ne sont pas forcément rentables. Cela n'a pas été une vitrine pour notre carrière.»
Le bonheur de se programmer
L'ambition artistique reste à la base de la passion. Le bonheur de maîtriser l'ensemble des paramètres du concert, de la programmation au choix des interprètes, est l'élément crucial mentionné par tous les interprètes organisateurs. Jean-Michel Pittet, la cheville ouvrière de la série Ensemble en Scène de Cédric Pescia au TKM, peut en témoigner: «Cédric piaffait en jouant toujours les mêmes choses qu'on lui demandait. Le fait de programmer lui a donné des ailes et a permis de dévoiler d'autres facettes de sa personnalité, de son jeu.»
Quand on interroge aujourd'hui un pianiste comme Christian Chamorel, fondateur du Mont Musical, on réalise que l'exception d'hier est presque devenue la norme: «Presque tous mes collègues ont leur propre festival, du plus modeste au plus ambitieux. Par la force des choses, l'interprète doit prendre en main sa destinée, devenir plus polyvalent, et un peu businessman.» Jean Prévost, codirecteur du festival Sine Nomine pour la 2e édition, le confirme: «Face à la concurrence, les jeunes musiciens n'attendent plus qu'on les engage. Ils créent les structures qui leur permettent de jouer.»
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