Dans un monde idéal, nous pourrions éviter les vaccins, le port du masque ou le confinement des mois durant. Il serait possible d’échapper aux taxes incitatives pour lutter contre le réchauffement climatique ou de devoir intervenir préventivement pour réduire les risques d’attentats terroristes. Dans un monde idéal, l’utilisation des produits phytosanitaires pour protéger les plantes contre les organismes nuisibles serait évitable.
Mais notre monde est loin d’être idéal. Il est complexe, hybride, changeant, en transformation constante et nos lois doivent être capables de s’y adapter avec pragmatisme. Prenons le cas de l’initiative sur les pesticides de synthèse. Je peux comprendre que la tentation soit grande de vouloir les interdire. Cependant, il faut se méfier des solutions simplistes et populistes. Il est nécessaire de considérer la situation dans sa globalité.
«La nature est espiègle. Les pommes rouges qui nous plaisent tant sont plus fragiles et, par conséquent, gourmandes en pesticides.»
Outre les nombreuses raisons écologiques, économiques et sanitaires évoquées largement de part et d’autre, il convient également de rappeler que de nombreux acteurs interviennent dans le secteur alimentaire. Les principaux étant les producteurs, les grossistes et les consommateurs. Or il faut le préciser, en cas d’acceptation de cette initiative, les conséquences pèseront majoritairement sur le maillon qui détient déjà la plus faible marge de manœuvre, soit les producteurs.
Prenons un exemple concret. En Suisse, les pommes rouges sont plus consommées que les pommes vertes. Selon les règles du marché, il est naturel que les grossistes proposent de grandes quantités de pommes rouges. Logiquement, les agriculteurs doivent produire des pommes de couleur rouge afin de satisfaire les exigences des consommateurs que nous sommes. Jusque-là, il n’y a aucun problème. Cependant, la nature est espiègle. Les pommes rouges qui nous plaisent tant sont plus fragiles et, par conséquent, gourmandes en pesticides.
Habitudes à modifier
On voit bien, dès lors, qu’il convient de se questionner sur les rapports d’interdépendance entre les différents acteurs. Les consommateurs et les grossistes ont une part de responsabilité dans le type d’aliment consommé. Promouvoir et encourager une modification des habitudes de consommation en faveur des pommes vertes serait une mesure tout aussi efficace, plus acceptable et moins contraignante que d’interdire purement et simplement les pesticides de synthèse. La réduction des pesticides est donc une question qui ne concerne pas que les producteurs, mais bien également les grossistes et les consommateurs, qui ont leur rôle à jouer.
Il faut se méfier des solutions simplistes et accepter que nous vivons dans un monde qui est loin d’être idéal. C’est pourquoi nous voterons non à cette initiative. Au lieu d’imposer des mesures drastiques aux producteurs, il serait préférable de renouer le lien avec eux afin de mieux saisir les enjeux d’un métier que nous comprenons de moins en moins.
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Valérie Dittli s’oppose au texte voulant interdire les pesticides de synthèse soumis au vote le 13 juin.