Patrimoine lausannoisLes splendeurs changeantes des Galeries Saint-François
Achevé en 1909, ce passage reliant la rue de Bourg à l’avenue Benjamin-Constant témoigne de l’Art nouveau.

Visiter les Galeries Saint-François, c’est déjà choisir son entrée. Celle de la rue de Bourg, plus petite, plus sobre, mais aussi plus mystérieuse, surmontée aux étages par deux putti (angelots) à la corne d’abondance, invite avec plus d’insistance. Du côté sud, depuis l’avenue Benjamin-Constant, l’ouverture est plus majestueuse, plus moderne aussi, surmontée d’un balcon aux lignes courbes typiques de l’Art nouveau, même si l’entresol reprend des éléments plus classiques en rappel de l’entrée nord avec des ornementations en guirlandes, putti et masques. Mais la façade verticaliste ornée de deux statues représentant les allégories du Commerce et de l’Industrie est plus claire dans l’appel. Il s’agit d’attirer le chaland.
La fin du Old India
Depuis 112 ans, les Galeries Saint-François font le job. Au départ, c’est Ferdinand Grillet, gérant d’immeubles, qui a l’idée de ce passage comme il en existe déjà dans de nombreuses grandes villes européennes, à l’instar de Milan et de sa Galleria Vittorio Emanuele II, achevée en 1867. Le projet se prépare dès 1905, mais l’architecte Georges Épitaux et son associé Joseph Austermayer prennent quatre ans pour terminer un passage pensé pour fluidifier l’accès au quartier de Bourg. On regrette évidemment la disparition du Old India, restaurant et cabaret aux intérieurs signés Alfred Foretay qui flanquait l’entrée sud, dépendance de l’Hôtel Central-Bellevue, établissement démoli en 1969…

Les Galeries ont certainement rempli leur fonction commerciale, non seulement en facilitant le passage, mais aussi en déployant de nouveaux fastes pour des magasins luxueux aux caves plongeant parfois profondément sous le sol. Sous la verrière assez banale qui éclaire les Galeries, la stabilité marchande n’est toutefois plus de mise et les enseignes ancestrales cèdent de plus en plus la place à des compagnies de téléphonie ou à de petits nouveaux pleins d’espoir comme, par exemple, le concept store QG, installé depuis novembre 2019 et qui semble plus compter sur les réseaux sociaux que sur le passage piétonnier pour étoffer son rendez-vous select. Les nouveaux arrivants emprunteraient du côté des banques chinoises, les seules à vouloir encore investir dans les lieux.

Un habitué assure que le passage est faible, insuffisant en tout cas pour assurer une clientèle régulière. Une raison de plus pour y refaire un tour et respirer fortement les fastes un peu endormis, ne serait-ce que pour leur donner une chance de se réveiller.
* «Architecture de poche (4). Lausanne, banques, bureaux et commerces» Collectif sous la direction de David Ripoll et Gilles Prod’hom. Éd. SHAS, 241 p.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.