Dossier du numérique en SuisseL’évolution du «Métavers» doit être suivie de près
Le préposé fédéral Adrian Lobsiger a remis son rapport sur les défis qui nous attendent dans le domaine du digital, notamment en lien avec la protection des données.

Le numérique investit toujours plus le travail et les loisirs. Une réalité qui entraîne de nombreux défis pour la protection des données. Le préposé fédéral en charge du dossier Adrian Lobsiger entend tout particulièrement suivre de près l’évolution du «Métavers».
Le smartphone est-il proche du déclin? La question peut paraître absurde, notamment au sortir de la pandémie. Chacun avait alors la main gluée à son téléphone pour montrer son passe sanitaire, payer ses achats via Twint ou encore lire les dernières nouvelles.
L’interrogation figure toutefois dans les premières pages du rapport 2021-2022 du préposé fédéral à la protection des données, publié mardi. Et Adrian Lobsiger y répond par l’affirmative. La cause serait l’apparition du «métavers». Fini les heures à pianoter sur son clavier pour surfer sur les traditionnelles plateformes. Place aux lunettes permettant de s’immerger dans les espaces virtuels.
«Dans la prochaine génération de cyber-réseaux, les humains se rencontreront dans des espaces virtuels, dans lesquels des signaux numériques se superposeront à leur environnement physique», récapitule-t-il. Ils se créeront ainsi un monde hybride et meilleur, appelé «réalité augmentée».
Ingérence dans la vie privée
Le concept implique toutefois une ingérence dans la vie privée de milliards d’individus, prévient Adrian Lobsiger. Pour mettre en scène la réalité augmentée, les lunettes et leurs capteurs enregistreront les regards, les mimiques et les postures, mais aussi les lectures ou les aliments consommés par leur hôte humain.
Toutes ces données sensibles aboutiront un jour dans le cloud des exploitants de réseaux sociaux, met-il en garde. Et ce dans des proportions incommensurablement supérieures à ce qui se passe dans la réalité numérique d’aujourd’hui. Plus les joueurs transposeront leur vie sociale dans des univers numériques, plus ils s’exposeront à des atteintes à la personnalité.
Les fournisseurs d’univers numériques devront faire preuve de transparence quant aux risques et prendre des mesures pour protéger la sphère privée des utilisateurs et leur droit à l’autodétermination, estime le préposé fédéral. Et d’annoncer vouloir s’engager dans ce sens.
Communication anonyme à garantir
Parmi les autres défis à venir, Adrian Lobsiger identifie également la communication anonyme en ligne. «Lorsqu’une personne se rend dans un restaurant, puis dans un lieu où elle commet une infraction, on ne peut pas lui reprocher de déplacement ou de repas abusif. Il en va de même lorsqu’un délinquant utilise un canal de communication crypté avant ou après avoir commis un délit.»
Chaque individu devrait avoir le droit de se déplacer sous couvert de l’anonymat dans l’univers analogique comme dans l’univers numérique, sans avoir à craindre que ses propres déclarations puissent être retenues contre lui, écrit-il. Il souligne toutefois que ce droit n’exclut pas des interventions policières au cas par cas, autorisées par un juge.
Si l’État crée de multiples exceptions à ces règles pour des raisons de terrorisme, de pédophilie ou de guerre entre deux blocs, il sera difficile d’obtenir la confiance de la population, a encore précisé Adrian Lobsiger devant les médias. «Le peuple ne répond pas toujours présent. Son rejet de la loi sur l’e-id le prouve.»
Formalisation et retard
Le préposé note encore un défi plus pragmatique. Ses services font face à une insuffisance persistante de moyens. Ils ne peuvent par exemple pas répondre dans les délais à toutes les demandes qui sont en augmentation, ni effectuer des contrôles aléatoires et systématiques de la sécurité technique qu’exigent pourtant les bases de données sensibles, comme dans le domaine de la santé.
Une nouvelle tendance à la formalisation se dessine aussi au sein de certains bureaux de l’administration, a-t-il également noté. De nombreuses raisons sont avancées pour ne pas fournir des documents. Cela donne lieu à de longs échanges et retarde encore plus le travail. Et d’espérer qu’un retour en arrière s’amorce. «Sinon nous aurons un problème.»
ATS
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