L'exhumation de Franco vire au cauchemar pour le gouvernement espagnol
Pedro Sánchez veut éviter que la tombe du dictateur ne soit déplacée à la cathédrale de la capitale.

Que faire de Franco? Quarante-trois ans après la mort du dictateur, l'Espagne s'interroge encore, alors que le gouvernement prépare une loi pour empêcher qu'il ne soit enterré dans un lieu où l'on puisse «exalter sa mémoire». L'ombre de l'immense croix du Valle de los Caídos, le mausolée qu'il avait fait construire à sa propre gloire, continue de planer sur la politique espagnole.
Il y a cinq mois, le nouveau chef du gouvernement, le socialiste Pedro Sánchez, arrivait au pouvoir avec une promesse: faire exhumer Franco et convertir son monument funéraire en un lieu de mémoire et de réconciliation. Il avait pensé à tout, sauf à un détail. L'exhumer, d'accord, mais pour aller l'enterrer où? Et surtout, comment éviter que sa nouvelle tombe ne se transforme en un lieu de pèlerinage de l'extrême droite et de toutes les dérives fascistes européennes?
Depuis de décennies, la dépouille du Caudillo repose, veillée par des moines bénédictins, au milieu d'un ossuaire de victimes (des deux camps) de la guerre civile, dans un grand monument austère situé sur le flanc de la Sierra de Guadarrama, à une cinquantaine de kilomètres de Madrid. Mais Francisco Franco mérite-t-il les honneurs d'une sépulture entretenue aux frais du contribuable? C'est en réponse aux protestations de la gauche que le gouvernement s'annonce décidé à mettre fin à une longue anomalie historique.
«Dans quel autre pays d'Europe voit-on enterré un dictateur au milieu de ses victimes, dans un monument bâti par des prisonniers politiques condamnés aux travaux forcés, et dont l'entretien est financé par des deniers publics?» interroge le fondateur de l'Association pour la récupération de la mémoire historique (ARMH), Emilio Silva, lui-même petit-fils de victime du franquisme.
La famille contre-attaque
C'était sans compter sur la mauvaise volonté de la famille Franco. D'abord prêts à attaquer le gouvernement pour «profanation de sépulture», les héritiers ont changé leur fusil d'épaule. D'accord pour sortir leur ancêtre de sa tombe, mais pour le transporter vers le caveau acquis par la famille dans la crypte de la cathédrale de l'Almudena, en plein centre de Madrid. Si le gouvernement cherchait un lieu discret, il est servi.
«L'erreur est d'avoir parlé trop vite, sans avoir d'abord négocié avec la famille», explique le politologue Pablo Simón, professeur à l'Université Carlos III de Madrid. «Pedro Sánchez a transformé malgré lui l'histoire de la dépouille de Franco en un grand show tragicomique. C'est absurde, mais cela montre combien le pays est mal à l'aise avec son passé et à quel point certaines fractures de la guerre civile restent à vif.»
Du côté de l'extrême droite, les nostalgiques du franquisme applaudissent à l'idée que Franco soit enterré dans la cathédrale de Madrid et menacent de transformer le caveau en un lieu de célébration de leur héros. Cette perspective n'enthousiasme pas l'archevêque de Madrid, mais il avoue ne pas pouvoir s'opposer à l'inhumation puisque la famille est effectivement propriétaire de deux caveaux sur place. Les semaines passent et le cauchemar continue pour le gouvernement. C'est finalement vers le Vatican qu'il a décidé de se tourner à la fin du mois d'octobre. Avec l'espoir que le pape François puisse jouer le rôle d'arbitre dans cet interminable feuilleton.
En attendant de savoir si la discrète diplomatie vaticane va fonctionner, la tombe de Franco connaît une fréquentation en hausse. Le Valle de los Caídos a reçu plus de 300 000 visiteurs entre janvier et octobre, soit plus du double par rapport à l'année précédente. Si le gouvernement prétendait envoyer le dictateur aux oubliettes, c'est décidément raté.
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