Réforme des retraites en FranceMélenchon veut «continuer» la mobilisation «tant que la réforme est proposée»
Depuis l’application du 49.3 pour faire passer de force la réforme impopulaire, deux motions de censure ont déjà été déposées et les mobilisations continuent.

«Tant que la réforme à 64 ans est proposée, il faut continuer» la mobilisation sur les retraites, a jugé dimanche Jean-Luc Mélenchon, tout en prévenant que «le pouvoir compte sur les débordements pour jouir d’une situation de peur».
«La lutte va continuer quel que soit le résultat» des motions de censure qui seront examinées lundi à l’Assemblée nationale, a précisé le leader de La France Insoumise (LFI) au Grand Jury RTL/LCI/Le Figaro, rappelant que «les syndicats unis ont appelé à des actions toute la semaine et à une grande manifestation jeudi».
«Je ne dirai jamais qu’il faut arrêter la mobilisation, tant que la réforme à 64 ans est proposée, il faut continuer», a-t-il insisté. Interrogé sur les violences, il a souligné que «pas une seule fois, ce texte n’a acquis quelque forme que ce soit de légitimité parlementaire».
Mais pour lui, «le mouvement est calme, vous ne savez pas ce qu’est un mouvement violent», a-t-il affirmé aux journalistes en plateau, en évoquant mai 68. «Ce mouvement est d’un calme et d’un pacifisme remarquable», a renchéri l’ex-candidat à l’Élysée.
«Ces temps derniers, on avait eu une pratique plus respectueuse» du maintien de l’ordre, a-t-il estimé, mais «il m’a semblé qu’on revenait à des choses beaucoup plus brutales», a-t-il aussi déploré, évoquant notamment la manifestation place d’Italie à Paris samedi.
L’ancien député estime que «le pouvoir de M. Macron compte sur les débordements pour ensuite jouir d’une situation de peur». Pour autant, il dit refuser «de venir ici pour faire la morale aux gens», et note que «le peuple français n’est pas un peuple qu’on fait marcher au sifflet». Concernant la motion de censure transpartisane du groupe indépendant Liot, il «pense que Les Républicains vont la voter».
Le coordinateur de LFI Manuel Bompard appelle lui aussi les députés LR à voter la censure: «Quel que soit ce que vous pensez de cette réforme, ce qu’on vous demande c’est +est-ce que vous êtes d’accord avec la méthode, avec ce passage en force permanent+», a-t-il expliqué à Cnews/Europe1/les Echos.
«Quand on vote une motion de censure en France ensemble, il n’y a pas besoin d’avoir une majorité alternative, donc c’est pas parce que des groupes d’opposition vont voter cette motion de censure qu’ils sont prêts à gouverner le pays ensemble», a précisé le député des Bouches-du-Rhône, répondant ainsi aux attaques de la majorité présidentielle.
La permanence d’Eric Ciotti caillassée
La permanence parlementaire d’Eric Ciotti à Nice a été caillassée dans la nuit de samedi à dimanche pour «faire pression» et qu’il vote lundi la motion de censure sur la réforme des retraites, a rapporté sur Twitter le président des Républicains.

«Cette nuit ma permanence a été caillassée. Les nervis qui ont fait ça veulent par la violence faire pression sur mon vote lundi», a écrit le député des Alpes-Maritimes, photos à l’appui. On y voit une des vitrines en morceaux et l’inscription «la motion ou le pavé». «Jamais je ne céderai aux nouveaux disciples de la Terreur», ajoute-t-il.
Favorable à la réforme très contestée des retraites, M. Ciotti a déjà indiqué que son parti ne voterait «aucune» des motions de censure déposées contre le gouvernement, pour ne pas «rajouter du chaos au chaos». Mais une poignée de députés de son camp ont déjà annoncé qu’ils voteraient au moins la motion transpartisane présentée par le groupe indépendant Liot.
D’autres parlementaires pro-réforme ont également été pris pour cible depuis jeudi. Des stickers ont été collés ce jour-là sur la permanence du député du Val-de-Marne Mathieu Lefèvre (Renaissance) et celle de la sénatrice du Pas-de-Calais Amel Gacquerre (Union centriste) a été taguée vendredi.
La procureure de la République de Colmar, Catherine Sorita-Minard, a confirmé dimanche à l’AFP l’ouverture d’une enquête pour «intimidation envers un élu», après des dégradations sur la permanence à Colmar de la députée du Haut-Rhin, Brigitte Klinkert, ancienne ministre déléguée à l’Insertion.
Dès jeudi soir, la patronne des députés Renaissance Aurore Bergé avait demandé au ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin de «mobiliser les services de l’État» pour la «protection des parlementaires».
169 interpellations en France, dont 122 à Paris
Un total de 169 personnes, dont 122 à Paris, ont été interpellées samedi soir en France lors des manifestations, émaillées de tensions, contre la réforme des retraites et le recours au 49.3 pour la faire adopter, selon un bilan dimanche du ministère de l’Intérieur.
À Paris, place de la Concorde où les rassemblements étaient interdits, 400 contrôles ont eu lieu et 12 interpellations, a précisé le ministère.

Il y a eu 110 interpellations dans le secteur de la Place d’Italie où des manifestants s’étaient déportés, a-t-il ajouté. Jusqu’à 4’200 personnes ont manifesté dans ce quartier du XIIIe arrondissement qui a été le théâtre de heurts avec la police dans la soirée.
Des incidents – semblables à ceux observés place de la Concorde les deux soirs précédents – ont eu lieu, des poubelles étant incendiées, des vitres de panneaux d’affichage et des abribus pris pour cibles. Des barrières de chantiers ont été utilisées pour bloquer des rues et des jets de projectiles ont visé les forces de l’ordre, a constaté une journaliste de l’AFP.
Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogène et canon à eau pour disperser les manifestants. Le calme était revenu vers 22H30.
À Lyon, 15 personnes ont été interpellées après des incidents causés par «des groupes d’individus violents», selon la préfecture. Jeudi, 10’000 personnes s’étaient rassemblées sur la place de la Concorde à Paris, selon le ministre de l’Intérieur, et 258 personnes avaient été interpellées. Vendredi, quand 4’000 personnes avaient été recensées, 61 interpellations avaient eu lieu, selon la préfecture de police de Paris.
L’ensemble des personnes interpellées ne sont pas systématiquement placées en garde à vue. Pour celles qui le sont, les procédures sont notamment soit classées sans suite pour infraction insuffisamment caractérisée ou absence d’infraction, soit aboutissent à une présentation devant un délégué du procureur (qui prononce entre autres un rappel à la loi) ou à une comparution immédiate.
À titre d’exemple, selon le parquet de Paris, sur les 292 mesures de garde à vue prises en marge de la manifestation de jeudi, seul neuf ont donné lieu à un déferlement, notamment pour un rappel à la loi. Toutes les autres gardes à vue ont été levées sans poursuites.
Les installations de la raffinerie TotalEnergies de Normandie en arrêt
Syndicat classé à gauche, la CGT a marqué les esprits en annonçant samedi que la plus grande raffinerie du pays, située en Normandie (nord-ouest) et exploitée par TotalEnergies, avait commencé à être mise à l’arrêt.
Un cap a ainsi été franchi. Depuis le début du mouvement, les expéditions de carburant ont été bloquées mais aucune des sept raffineries françaises n’avait été totalement mise à l’arrêt.

Très lourde techniquement, l’opération prendra plusieurs jours et ne devrait pas provoquer de pénuries de carburant immédiates, mais elle pourrait faire tâche d’huile. Au moins deux autres raffineries pourraient être mises à l’arrêt au plus tard lundi, a prévenu la CGT.
Le ministre français de l’Industrie Roland Lescure a laissé entendre samedi que le gouvernement pourrait répliquer en procédant à des réquisitions d’agents. D’autres secteurs clés de l’économie restent perturbés par la mobilisation, notamment les transports et la collecte de déchets.
Les syndicats de la SNCF appellent à poursuivre la grève reconductible
Les syndicats français prévoient des «rassemblements locaux de proximité» ce week-end pour poursuivre la contestation contre la réforme des retraites. Ce texte a déclenché deux motions de censure pour tenter de renverser le gouvernement et des mobilisations.
L’intersyndicale a appelé dès jeudi, dans la foulée du recours par la Première ministre Elisabeth Borne à l’article 49.3 de la Constitution, qui permet l’adoption d’un texte sans vote, sauf motion de censure, à des rassemblements ce samedi et dimanche, ainsi qu’à une neuvième journée de grèves et manifestations jeudi 23 mars.
Les quatre syndicats représentatifs de la SNCF ont appelé vendredi à «maintenir la grève» entamée le 7 mars et «à agir massivement le 23 mars» pour s’opposer à la réforme des retraites.

La CGT-Cheminots, l’Unsa-Ferroviaire, SUD-Rail et la CFDT-Cheminots invitent également les salariés du rail à «multiplier les actions et initiatives unitaires dès ce week-end dans tous les territoires» après le déclenchement du 49.3 décidé jeudi par le gouvernement, considéré comme «un énième bras d’honneur au mouvement social».
Motions de censure
Les députés Rassemblement national (RN) ont déposé une motion de censure du gouvernement vendredi, en riposte au 49.3 dégainé par l’exécutif pour faire adopter sans vote la réforme des retraites.
«Et nous voterons toutes les motions de censure présentées», a souligné la députée Laure Lavalette, alors qu’une motion de censure transpartisane a été déposée par le groupe indépendant Liot, susceptible de fédérer des voix de différents camps, contrairement à celle du RN.
Un peu plus tôt dans la journée, les députés du groupe indépendant Liot ont annoncé vendredi le dépôt à l’Assemblée nationale d’une motion «transpartisane» de censure du gouvernement, cosignée par des élus de la Nupes, en riposte au déclenchement du 49.3 pour faire adopter sans vote la réforme des retraites.
Jean-Luc Mélenchon a annoncé vendredi matin que le groupe la France insoumise (LFI) allait soutenir la motion de censure du groupe des indépendants (Liot) à l’Assemblée nationale afin de «donner les plus grandes chances possibles à la censure» du gouvernement d’Elisabeth Borne après l’utilisation du 49.3.
La coalition de gauche Nupes, incluant LFI, envisageait de déposer une motion de censure mais ses dirigeants expliquaient ces derniers jours qu’une motion de Liot aurait davantage de chances d’être votée par ceux des députés de droite qui sont défavorables à la réforme des retraites. «Nous avons décidé de donner les plus grandes chances possibles à la censure, et donc de retirer notre motion de censure au profit de celle de Liot», a expliqué Jean-Luc Mélenchon sur France Inter.
Voter la motion de censure «ne signifie rien d’autre que le refus de la réforme des retraites», «ceux qui ne votent pas la motion de censure sont pour la réforme», a-t-il prévenu. Le groupe Libertés, Indépendants Outre-mer et Territoires (Liot) comptent 20 députés de diverses tendances politiques, mais revendiquant un fort ancrage territorial.
L’ancien candidat à la présidentielle a par ailleurs «encouragé» les «mobilisations spontanées dans tout le pays» car «c’est là que ça se passe», tout en appelant à manifester aussi à l’appel de l’intersyndicale pendant le week-end et jeudi prochain. Avec le 49.3, «nous avons atteint notre objectif, ce texte n’a aucune légitimité, on a raison de se révolter», a-t-il ajouté. «La lutte il n’y a que ça qui compte, qui est important», a assuré Jean-Luc Mélenchon.
AFP
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