Dernier livre de Pierre BéguinL’histoire vraie d’un Suisse qui voulait servir le IIIe Reich
L’auteur de «La scandaleuse Madame B.» évoque une autre destinée hors du commun dans «Au nom du feu».

L’écrivain genevois Pierre Béguin aime les destinées hors du commun. Surtout celles qui ont un ancrage genevois ou tout au moins suisse romand. Après «Condamné au bénéfice du doute» (2016), un ouvrage qui explorait l’affaire Jaccoud, et «La scandaleuse Madame B.» (2020), consacré à la vie rocambolesque de Josette Bauer, voici «Au nom du feu». On y découvre l’existence d’un certain Alfred Luginbühl, citoyen suisse au passé tumultueux. Il choisit en mars 1942 de quitter son pays à pied pour rejoindre l’occupant allemand outre-Jura et lui proposer de servir sous la bannière du IIIe Reich. La motivation avouée d’Alfred réside dans l’inaction imposée aux mobilisés suisses, dont il fait partie, et à son désir de lutter sur le terrain contre le communisme.
Pierre Béguin s’est intéressé aux autres raisons d’Alfred Luginbühl. Celles que le déserteur n’avait sans doute par analysées lui-même, car elles sont étroitement liées à sa personnalité façonnée par un terrible parcours de vie. L’auteur n’a pas cherché à disculper son personnage en lui cherchant des excuses. Il s’est simplement passionné pour les origines de la décision insolite de ce garçon de rejoindre les Allemands.
Un projet effroyablement dangereux, qui manque lui coûter plus d’une fois la vie sur le front de l’Est. Pierre Béguin plonge le lecteur dans l’enfance et l’adolescence désastreuses de cet homme abandonné à la naissance, adopté par de bons parents nourriciers au bord du lac Thoune, repris à eux par sa mère biologique qui ne l’aime pas, régulièrement battu par le mari ce celle-ci, à Montreux où ce couple diabolique vit avec lui.
Goût du détail réaliste
Alfred s’endurcit, fugue et fugue encore, la violence qu’il subit devient banale pour lui. Le récit de cette détresse et du perpétuel besoin de fuir qui en découle, occupe plusieurs chapitres entre lesquels on découvre les aventures du soldat en Allemagne et en Finlande, décrites avec une puissance d’évocation et un goût du détail réaliste qui font honneur à Pierre Béguin. L’écrivain s’est documenté aux meilleures sources pour donner vie à ses descriptions et nous précipiter sans pitié dans le feu de l’action. Ses scènes de guerre contre les Russes, ses récits de captivité et d’évasions, résonnent particulièrement à l’heure où de tels horreurs se répètent sur le front russe d’Ukraine.
Comment Pierre Béguin a-t-il découvert l’histoire vraie d’Alfred Luginbühl? «Les hasards de la vie m’ont mis en présence de l’un de ses fils. Après son retour en Suisse et une condamnation légère, l’ancien déserteur avait fondé une famille à Genève où il a vécu jusqu’à sa mort en 1995. La conversation est venue sur les notes qu’il avait laissées sur sa vie. Son fils me les a confiées et je suis parti de là», confie l’auteur de «Au nom du feu».
«Au nom du feu» par Pierre Béguin, Éditions Bernard Campiche, 374 pages.
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.