Conjoncture de crise sanitaireL’hôtellerie lausannoise tire le rideau sur une année noire
La moitié des nuitées était déjà perdue à fin septembre. Le témoignage de Susan Sax, à la tête de deux hôtels.

L’annulation de Bô Noël – après celles des manifestations culturelles – aura été le pépin de trop en ce mois de décembre pour l’hôtellerie lausannoise. À ce jour, l’hôtel garni Regina – trois-étoiles de 35 chambres situé au cœur de la ville – ne compte qu’une seule réservation pour la fin de l’année, la nuit du réveillon. Susan Sax, sa nouvelle directrice et propriétaire depuis février et dont la famille possède également le 46a (apparthôtel-restaurant), près du Théâtre de Vidy, a donc finalement décidé de fermer les deux établissements du 23 décembre au 4 janvier. Un baisser de rideau dans l’amertume pour cette battante qui veut toujours voir le verre à moitié plein mais qui est impuissante face à la pandémie qui provoque un grand vide.
2020 est une année noire pour les hôteliers de l’agglomération lausannoise qui perdaient déjà 53% des nuitées après neuf mois – janvier à septembre – comparé à 2019 (selon les chiffres de l’Office du tourisme du canton de Vaud). C’était avant la seconde vague de la Covid-19! La région Montreux Riviera faisait à peine mieux (–49%) tandis que dans les Alpes vaudoises la chute était moins vertigineuse: environ un tiers. La nette reprise des nuitées enregistrée depuis avril a fait long feu en août avec les nouvelles mesures de restrictions des voyages. Plus de la moitié des visiteurs de la capitale cette année étaient des Suisses, près de 15% des Français.
En plein brouillard
En temps normal, en période de fêtes – Noël comme Pâques – le Regina profite d’un tourisme de loisirs alors que le reste de l’année il accueille une clientèle d’affaires ou de congrès, organisés notamment par l’EPFL ou le CHUV. Les week-ends, celle-ci fait place aux amateurs du monde de la nuit lausannoise et de ses clubs. Les apparthôtels de Vidy, proches de plusieurs multinationales et de l’IMD, accueillent aussi les clients business et des familles pendant les vacances, attirées par le lac. La jeune hôtelière de 34 ans s’inquiète pour la survie de son entreprise. Si pour le second établissement, construit et ouvert avec son père en 2013, des réserves ont pu être constituées, ce n’est pas le cas de l’hôtel de la Rue Grand-St-Jean, racheté à la famille Bagnoud qui le détenait depuis 1957.
Susan Sax est en plein brouillard quant à l’évolution des affaires ces prochains mois alors que janvier s’approche et voit tomber une grande partie des factures. Sa société a souscrit au prêt Covid de la Confédération au printemps dernier. Pour l’heure, elle n’y a pas encore touché, mais le temps est compté. Le taux d’occupation du Regina cette année est de 15% à 20% alors que normalement il se situe entre 75% et 80% et que l’établissement est rentable au-delà de 65%. Pour l’Hôtel 46a (8 employés), qui comprend 27 logements, un restaurant et un fitness, le taux d’occupation en 2020 approche les 50% car il n’a pas fermé durant la période de semi-confinement. Il a fallu couper dans tous les coûts, explique la directrice, également présidente de Gastro Lausanne. Il est toutefois viable à partir de 50%-55%.
Prochains mois décisifs
Il n’en reste pas moins qu’elle n’y va pas par quatre chemins pour signifier la gravité de la situation: «Nous survivons tout juste à Vidy car nous avons plus d’expérience. Mais en 2021 cela risque de basculer de l’autre côté s’il n’y a pas un retour à une certaine normalité: on ne va pas aller au-delà d’un semestre. Au Regina, j’attends janvier.»
Tout en y songeant, la jeune femme entrepreneuse ne paraît toutefois pas se résoudre à lâcher si rapidement cet hôtel qui occupe cinq autres personnes. Même si la situation devenait si critique qu’il faudrait passer un arrangement avec la banque, elle se dit que son horizon est suffisamment lointain pour trouver des solutions. Alors que ce n’était pas prévu pour tout de suite, elle a déjà profité de cette période où le Regina est déserté pour moderniser le rez-de-chaussée et la salle du petit-déjeuner. L’établissement est donc resté fermé du 15 mars au 15 juin.
«J’ai choisi de partir sur la situation la plus pessimiste afin de me laisser une marge de manœuvre. Mais si je n’ai pas de solutions pour le printemps, c’est fini. Je change de vie… malgré moi!»
La fermeture de fin d’année permettra aux deux équipes – qui ont bénéficié des RHT – de prendre leurs vacances après une année stressante. À Vidy, deux-trois logements resteront cependant disponibles en last-minute grâce au système d’accès automatisé.
«À Lausanne, je pense que mes deux hôtels sont représentatifs des extrêmes. Pour 2021, on ne sait rien. J’ai choisi de partir sur la situation la plus pessimiste afin de me laisser une marge de manœuvre. Mais si je n’ai pas de solutions pour le printemps, c’est fini. Je change de vie… malgré moi!»
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