On se souvient du mantra de l’ancien grand argentier vaudois, Pascal Broulis, qui prônait «l’impôt heureux». L’est-il vraiment lorsque le fisc vaudois se permet de se montrer d’une grande sévérité face aux contribuables, allant chercher l’argent même lorsque les situations sont inextricables?
Le cas d’espèce dont nous parlons aujourd’hui fait froid dans le dos. Un article de la loi d’impôts prescrit que le couple est solidaire en matière fiscale. Cet impératif ne semble pas bien méchant a priori, mais il conduit à des situations catastrophiques si on l’applique à la lettre.
Imaginez: lorsqu’un couple se sépare et qu’il reste une dette fiscale, il est convenu, souvent devant un ou une juge, que la somme due sera répartie entre les deux conjoints. Admettons que l’un s’acquitte diligemment de son dû et que l’autre ne paie pas. Le fisc se retourne alors vers celui ou celle qui a déjà réglé sa note et lui réclame le montant que l’autre a laissé en souffrance. Dans les faits, comme tendent à le prouver les cas traités en justice, les victimes de cette intransigeance sont les femmes.
Des liens indissolubles
L’application de la «responsabilité solidaire de la dette fiscale» renvoie à l’idée du mariage aux liens indissolubles. Au Grand Conseil, il ne reste que les élus les plus conservateurs pour juger la pratique légitime, au motif que l’un·e a «profité» de l’argent de l’autre lorsqu’ils étaient ensemble.
Or, en Suisse, seuls Appenzell et Vaud appliquent encore cette règle. La Confédération a elle-même renoncé à une disposition qui semble totalement anachronique.
Depuis bientôt quatre ans, le lobby des femmes du Grand Conseil tente d’obtenir justice pour des contribuables qui cumulent les risques de paupérisation, déjà désargentées par la séparation, accablées d’une dette qui n’est plus la leur. Les députées auraient presque gagné, car la nouvelle grande argentière, Valérie Dittli, se dit déterminée à s’aligner sur la pratique de la Confédération et des autres cantons.
Mais un obstacle technique s’érige contre cette volonté politique: le système informatique est construit sur l’unité du couple et ne se laisse pas modifier facilement. Ainsi, des ménages vont souffrir encore à cause d’un logiciel inadapté. C’est absurde et, décidément, ce n’est pas heureux.
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Éditorial – L’impôt n’est pas toujours heureux
La responsabilité solidaire entre (ex-)époux en cas de dette fiscale aurait pour effet de pénaliser les femmes.