Local ou virtuel, l'argent change de visage
Du léman au bitcoin, de la micro-monnaie purement régionale à sa version cryptée et intraçable, les formes de paiement évoluent. Décryptage.
Bitcoin, bilur (gagée sur le pétrole), Ethereum, Zcash ou encore à une échelle locale le léman et le farinet… Les monnaies alternatives n'ont cessé de se multiplier au cours des dernières années. Qu'est-ce qui explique un tel engouement? Décryptage.
Soutien à l'économie locale
«Favoriser les circuits courts et promouvoir l'économie locale». C'est l'argument clé à l'origine des initiatives de micromonnaie qui se multiplient actuellement en Suisse. De Genève au Tessin en s'arrêtant par le Chablais ou le Gros-de-Vaud, tous semblent vouloir leur monnaie locale. En Valais, par exemple, le lancement du farinet est prévu pour le 13 mai. A l'origine de ce projet, l'envie de «relocaliser tout ce qui peut l'être, notamment dans l'alimentaire, et être moins dépendant des ressources étrangères».
Le léman est certainement le projet aujourd'hui le plus abouti étant donné que son lancement remonte au mois de septembre 2015. Moins de deux ans plus tard, quelque 400 sociétés acceptent d'être payées avec cette monnaie. En tout, cela représente 110'000 francs de contrepartie déposée à la Banque Alternative Suisse. «Un succès plus grand que prévu», selon Jean Rossiaud, président de l'association Monnaie Léman.
Le léman est aujourd'hui disponible dans six «bureaux de change». L'objectif est de développer son réseau pour atteindre la cinquantaine d'endroits où il serait possible de s'en pourvoir. A noter que la monnaie valdo-genevoise aura son pendant numérique, le e-léman. «Une forme de bitcoin, mais sans la spéculation», selon son président.
Une forte spéculation
Si les promoteurs de monnaies locales cherchent à éviter toute spéculation – le léman, par exemple, n'est pas convertible –, la donne est différente pour les nombreuses monnaies virtuelles apparues ces dernières années.
Prenez le bitcoin, cette pionnière des devises virtuelles. Depuis son lancement, en 2009, son cours n'a cessé de jouer au yo-yo. Ces derniers jours, il enchaîne les records. Sa valeur a ainsi dépassé mardi les 1800 dollars le bitcoin. A titre de comparaison, l'or terminait la journée à 1220 dollars l'once. Selon un classement réalisé par Coinmarketcap.com, la capitalisation boursière de la célèbre crypto-monnaie frôlerait les 30 milliards de dollars (voir infographie).
L'engouement pour ces alternatives monétaires ne semble pas prêt à s'interrompre, puisque de nouvelles venues continuent d'arriver sur le marché, à l'exemple du Zcash depuis l'automne dernier. Sa valeur a d'ailleurs connu un parcours aussi chaotique que le bitcoin avec une valeur qui n'a cessé de passer d'un extrême à l'autre. Après avoir frôlé les 1000 dollars, la valeur du Zcash est retombée à moins de 100 dollars.
Crypto-monnaie et criminalité
Contrairement aux monnaies locales, qui ont plutôt bonne presse, l'image du public sur les crypto-monnaies reste plutôt négative. Le plus souvent anonymes, voire pour certaines intraçables, elles sont très souvent assimilées aux trafiquants actifs notamment sur le Darknet, face cachée d'Internet. Echappant aux régulations classiques des banques centrales (émettrices des monnaies traditionnelles), les crypto-devises serviraient notamment à blanchir de l'argent, à acquérir n'importe quel type de produits illégaux, à financer le terrorisme, voire même à servir de moyen simplifiant l'évasion fiscale. Aux Etats-Unis, une enquête menée par les agents de l'IRS (fisc américain) est par exemple en cours suite à de tels soupçons.
En Suisse, les autorités ne savent pas trop comment se positionner face à l'émergence de ces monnaies virtuelles. En juin 2014, un rapport concluait qu'il s'agissait d'un «phénomène marginal» et qu'il n'était pas nécessaire de légiférer. «Le Conseil fédéral entend néanmoins suivre de près l'évolution de la situation, afin de distinguer en temps utile l'apparition d'une telle nécessité.» Selon le Secrétariat d'Etat aux questions financières internationales, la position officielle n'a pas changé depuis, la surveillance de ce domaine relève de la FINMA.
Des coûts moins élevés
La question des coûts en jeu entre également dans la balance et contribue au succès de ces monnaies alternatives. Le comité du léman a ainsi imaginé le Lemanex pour permettre à une société en manque provisoire de liquidités par exemple de prendre un crédit à taux zéro.
L'intérêt financier est d'ailleurs le même pour les crypto-monnaies. «Elles sont moins coûteuses à utiliser en comparaison des prestations offertes par les acteurs traditionnels comme PayPal ou MasterCard», explique Arturo Bris, professeur de finance à l'IMD. Certains sont d'ailleurs convaincus qu'une monnaie comme le bitcoin débouchera sur une réduction drastique des coûts liés aux transactions, à l'exemple de Daniel Haudenschild, partenaire chez EY. Ce dernier évoquait dans une chronique parue dans Le Temps les fortes incitations financières en jeu, à commencer par «le caractère captif des transactions par carte de paiement».
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Les Suisses restent fortement attachés à l'argent sous forme liquide
Mercredi matin, la Banque nationale suisse présente son tout nouveau billet de 20 francs. Dès le 17 mai, il rejoindra son grand frère vert dans les porte-monnaie… pour autant que les Suisses en utilisent encore. Face aux moyens de paiement digitaux à l'exemple de Paymit ou de Twint, aux 16 millions de cartes qui circulent dans le pays et aux crypto-monnaies qui se multiplient de plus en plus, l'avenir de l'argent sous forme liquide se pose.
Fin avril, la banque Mirabaud organisait une table ronde consacrée à cette thématique et concluait prudemment que les deux systèmes de paiement (cash et mobile) devraient être amenés à se côtoyer. En tout cas durant encore un certain laps de temps. D'autres osent être plus affirmatifs, à l'exemple du CEO de la Deutsche Bank, John Cryan, qui affirmait à Davos il y a un an que l'argent physique n'existerait plus d'ici un laps de temps de dix ans. Pour le patron allemand, «il est quelque chose de terriblement inefficace et cher». Dans un bouquin paru l'année dernière, The Curse of Cash (La malédiction de l'argent liquide), l'économiste de Harvard, Kenneth Rogoff, abondait dans ce sens. «Un pays sans liquidités est une idée dont le temps est venu», affirme-t-il. Les statistiques actuelles leur donnent toutefois tort. Une récente enquête de MasterCard contredit en effet tous ceux qui imaginent la mort prochaine et surtout rapide de l'argent liquide. D'après l'émetteur de cartes de crédit, 85% des transactions des consommateurs du globe se font en cash.
En ce qui concerne la Suisse, la masse de monnaie en circulation augmenterait de manière constante d'année en année. D'après Cashless, une communauté regroupant les prestataires de cartes bancaires, seulement 23% des personnes interrogées lors d'un sondage seraient prêtes à renoncer définitivement aux pièces de monnaie et billets de banque.
Sur le long terme toutefois, la technologie pourrait finir par changer la donne et mettre bel et bien un terme à l'attachement des Suisses pour leur monnaie. Les smartphones et les montres sont en effet en train de s'imposer plus rapidement que prévu en Suisse comme porte-monnaie électroniques. Biberonnée au paiement mobile sans contact, la prochaine génération pourrait ainsi sonner le glas des bonnes vieilles coupures.
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