Le 15 mai prochain, nous serons appelés à nous prononcer sur la révision de la loi sur le cinéma. Fruit d’un compromis bien helvétique aux Chambres fédérales, cette révision est pourtant combattue par un référendum dont l’argumentaire laisse pour le moins perplexe.
Que demande la loi? Elle exige que les plateformes de streaming et les chaînes de télévision suisses et étrangères qui diffusent des films en Suisse investissent 4% de leur chiffre d’affaires directement dans des productions suisses ou des coproductions suisses et internationales. C’en est déjà trop pour les référendaires, qui parlent de loi «antilibérale» ou encore de «nouvel impôt».
«Mettre toutes les plateformes de streaming et les chaînes de télévision privées […] sur un pied d’égalité.»
Mais est-ce vraiment le cas? Rappelons que le seul but de cette loi est de mettre toutes les plateformes de streaming et les chaînes de télévision privées, qui diffusent en Suisse, et qu’elles soient suisses ou étrangères, sur un pied d’égalité. En effet, l’obligation d’investir 4% du chiffre d’affaires dans la promotion du cinéma suisse est déjà prévue dans la loi pour les chaînes privées suisses, pour autant que ces chaînes diffusent des films. Il n’est donc pas acceptable que des chaînes privées étrangères ne soient pas soumises au même régime lorsqu’elles diffusent des films en Suisse. Voilà donc une première injustice combattue par la loi.
Deuxièmement, la loi permet également de mettre sur pied d’égalité le cinéma suisse et le cinéma européen, voire mondial. En effet, de telles obligations d’investissement dans le cinéma local existent dans tous les pays qui nous entourent. En France, le taux d’investissement exigé est de 20%. Deuxième injustice combattue par la révision. Je peine donc à comprendre qu’une loi qui ne vise qu’à corriger des inégalités de traitement existantes puisse être qualifiée d’antilibérale.
Les référendaires brandissent également le spectre de l’impôt caché, qui va augmenter le prix de l’abonnement. Or il faut être très clair, s’il s’agissait d’un impôt, ce dernier serait perçu par l’État, et on n’exigerait pas des entreprises qu’elles investissent cet argent dans des productions cinématographiques qu’elles pourront elles-mêmes diffuser. C’est un peu comme si on prétendait que l’argent qu’une société investit en recherche et développement pour des nouveaux produits n’est en fait rien d’autre qu’un impôt. C’est totalement absurde.
Investissement en Suisse
En outre, les plateformes de streaming investissent aujourd’hui déjà massivement dans la production cinématographique. Sans quoi ces plateformes n’auraient rien à diffuser et feraient faillite. Tout ce que la loi demande, c’est qu’une (toute petite) partie de cet investissement soit réalisée en Suisse, là où ces sociétés réalisent aussi une partie de leur bénéfice.
Prétendre que ces 4% vont donc augmenter le prix de l’abonnement est un non-sens total. D’ailleurs, nous payons les abonnements déjà beaucoup plus chers que les Français, alors que la France exige 20% d’investissement! Ce qui augmente le prix de l’abonnement en Suisse, c’est notre pouvoir d’achat. Je voterai donc oui à la loi sur le cinéma.
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