Manuella Maury doute, écrit, rit, en toute lucidité
Installée dans son nouveau nid à Mase, la journaliste prend la plume dans un délicieux petit ouvrage tout en souhaitant que chacun savoure les bienfaits de l'échange épistolaire

Manuella Maury accueille au loin d'un énergique signe de la main et d'un large sourire sur le perron de son petit chalet planté en plein cœur de Mase et de ses 260 âmes. À quelques mètres de là, le bistrot du village valaisan alors tenu par ses parents. La journaliste y a passé toute son enfance. Entre ses murs, elle avait tourné en 2007 son émission «Têtes en l'air». «Regardez, je suis à côté du cimetière, j'ai toujours un œil sur mon papa», dit-elle en poussant la porte de son petit nid de «25 m2 sur 25 m2» comme elle aime le présenter. «Si on m'avait dit il y a encore trois ans que je reviendrais au village!» Manuella Maury parle vite, rit souvent et sincèrement, tourbillonne joyeusement dans cet espace qu'elle vient tout juste de réaménager et qu'elle partage avec Thomas, son compagnon, et… Frida Kahlo. Le visage de l'artiste se découpe sur une plaque noire ornementale, se dessine sur le dossier de son fauteuil, sur les coussins de son petit canapé ou apparaît en couverture d'un livre posé sur la table à manger. «Avec Frida, je suis hystérique», reconnaît-elle. La vie et les écrits de la peintre mexicaine ont profondément influencé la Valaisanne de 47 ans qui a décidé de la mettre à l'honneur de son prochain Festival de la correspondance agendé à Mase du 12 au 14 octobre. Mais avant d'inviter le public à découvrir la richesse du genre épistolaire, elle s'est mise à l'écriture du «Monde de Mona», un petit objet littéraire délicieux, inclassable, réalisé avec deux copains, le vigneron Gilles Besse et l'illustrateur Dominique Studer.
Dans «Le monde de Mona», vous vous êtes replongée dans l'univers de votre enfance, le bistrot de vos parents. Envie d'un retour aux sources?
La plupart du temps, ce sont des êtres ou des circonstances qui viennent provoquer ou faire naître un projet. Là, mon ami vigneron Gilles Besse m'a demandé si je ne voulais pas écrire quelque chose pour son site Internet. Lors d'un week-end à Amsterdam, dans l'avion, j'ai rédigé une première nouvelle, un peu burlesque, en lien avec le vin de Gilles, mais qui très rapidement est venue soulever des souvenirs d'enfance. Tout à coup je me suis revue dans ce bistrot qui a beaucoup conditionné mon existence. Et j'ai compris que c'était vraiment la première fois que je faisais le pas vers la fiction. J'arrivais vers quelque chose de léger qui m'a fait sourire. J'en ai écrit une puis deux. Des gens venaient les lire sur le site. Mon ami Dominique Studer s'est occupé des illustrations. Au départ, ce n'était même pas pensé pour être publié, juste qu'on s'amuse ensemble. J'ai envie que ce livre voyage, qu'il se partage comme le vin.
Que représente l'écriture pour vous?
C'est mon ancrage, mon rapport au réel. Elle me permet de stopper ce mouvement permanent que j'ai à l'intérieur de moi. Je suis très stimulée, j'ai plein de choses qui m'animent, je dis oui à tout, j'ai l'impression de n'avoir jamais assez de temps pour vivre. Avec l'écriture le temps s'arrête. Finalement je pourrais écrire uniquement pour l'apaisement que cela me procure. Quel est cet ego qui me pousse à aller toujours vers un projet public? Je pense qu'il me faudra encore quelques années pour régler ce problème avec moi-même (elle rit). Je trouve incroyable que la petite fille que j'ai été, née dans ce minuscule village de montagne, ait pu côtoyer des gens influents et importants. Je m'étonne encore.
D'avoir quitté le village et réussi professionnellement?
Oui. Encore aujourd'hui je me sens comme une usurpatrice dans ce métier. À l'époque, c'est la radio qui me faisait rêver, Émile Gardaz et ces raconteurs d'histoires qui arrivaient à nous faire voyager par l'imaginaire. Je suis entrée à la télévision par hasard avec probablement ce besoin intarissable de reconnaissance. Là encore, je suis terrorisée à l'idée que les gens lisent ce bouquin.
Qu'est-ce qui vous a poussée à lancer un Festival de la correspondance à Mase?
D'abord, j'ai écrit avec mon père en 2011 «Lettres de soie», un échange épistolaire sur nos enfances. Une chance incroyable. Il s'est livré avec une telle générosité. Cette expérience a changé toute la dynamique familiale, nous a réconciliés sur plein de choses. Puis le déclic s'est produit à sa mort il y a deux ans. J'ai ressenti cette envie profonde de partager cette expérience. Je voulais que cette façon d'échanger, que ce soit avec des mots, des dessins ou des collages, soit accessible à tous et j'ai souhaité que le festival ait lieu dans le village. Mon père m'a élevée en me répétant que la communauté était plus importante que la famille. Je lui en ai beaucoup voulu de nous avoir imposé ça, petite, car j'aurais aussi aimé passer les vacances d'été dans l'intimité de la famille et pas toujours au bistrot. La communauté prenait tout notre espace, savait tout de notre vie. Alors je suis partie vivre en ville. Je n'avais plus envie de tout ça. J'ai recommencé à venir ici vers les 30-35 ans. À ce moment-là, j'ai réalisé que j'étais issue de quelque part et que vouloir y échapper était une absurdité sans nom. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut forcément y vivre, comme je le fais maintenant.
Mase est désormais votre nouvelle maison?
C'est un peu ma folie (elle rit). D'abord j'avais besoin de retrouver la nature. J'avais de plus en plus de peine à vivre en ville. Et sans enfants, on ne reconstruit pas cet esprit de communauté. Quand mon père est tombé malade, cela s'est imposé à moi. C'était soudain clair que j'allais retransformer ce petit 25 m2 sur 25 m2. Mon père a d'ailleurs toujours dit que j'allais revenir au village pour écrire.
Après être passée derrière la caméra, vous revenez devant. Un besoin de lumière?
Si on vient vous proposer de faire des interviews patrimoniales de gens qui ont déjà une longue existence derrière eux, qui vous emmènent en voyage avec comme moyen de transport les archives, je ne sais pas qui dirait non à un tel projet. C'est aussi un hasard de calendrier puisque Romaine Jean a quitté les présentations en cours. Je commence les enregistrements de «Toute une vie» en septembre. Ces entretiens seront à l'antenne l'année prochaine. Ils vivront aussi sous la forme de coffrets et de projections publiques.
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