Scrutin du 29 novembreMatériel de guerre: le combat n’est pas fini
Les initiants de l’initiative reconnaissent leur défaite mais ils n’entendent pas baisser les bras et prévoient déjà d’autres initiatives.

Le peuple a rejeté dimanche l’initiative «Pour une interdiction du financement des producteurs de matériel de guerre» à 57%. Les initiants, déçus mais pas surpris, vont continuer leur combat, tandis que les opposants sont satisfaits que l’économie soit préservée.
Le score n’est «pas trop mauvais», selon Thomas Bruchez, secrétaire du Groupement pour une Suisse sans Armée (GSsA). «Une part de la population nous a entendus et nous soutient», a-t-il noté.
Il mentionne l’autre initiative soumise au vote, l’initiative «Entreprises responsables – pour protéger l’être humain et l’environnement», qui a pris «beaucoup de place» dans les débats. Et de pointer du doigt «une campagne de la peur des opposants».
Chez les Jeunes Verts, c’est la déception. «Mais le résultat ne nous surprend pas vraiment», a déclaré Julia Küng, coprésidente du parti. Ada Marra (PS/VD) a, elle, indiqué que ce n’est que le début: «On a perdu une bataille, pas la guerre». La conseillère nationale note toutefois que la neutralité «en prend un coup».
Pour Lisa Mazzone (Verts/GE), «l’initiative sur le commerce de guerre» a mis en évidence le rôle de la Banque nationale suisse (BNS), une entreprise de l’Etat qui brasse des centaines de milliards de francs, et ses pratiques parfois contradictoires avec notre politique. «Ces dissonances vont émerger toujours plus dans le débat public et le Parlement va devoir s’y intéresser», a ajouté la conseillère aux Etats genevoise.
«Solutions extrêmes»
Quant au comité bourgeois (PLR, UDC, PDC, PBD) contre l’initiative pour «une interdiction du commerce de guerre», il est très satisfait. Le texte aurait été difficile à mettre en œuvre. Il proposait des solutions extrêmes, selon la conseillère nationale Maja Riniker (PLR/AG). Par ces temps de Covid-19, «il aurait représenté une charge supplémentaire pour l’économie.»
En rejetant nettement l’initiative, les Suisses ont montré leur attachement à une place économique forte, selon Carmelo Laganà, suppléant romand d’economisuisse. Les investisseurs ont déjà pris les devants pour choisir des fonds éthiques, selon lui.
La Suisse a rejeté une initiative «de caractère idéologique et potentiellement très dommageable», a réagi l’Union suisse des arts et métiers (usam). Le texte du GSsA et des Jeunes Verts se serait révélé extrêmement préjudiciable pour les institutions de prévoyance qui auraient dû éplucher les comptes des entreprises pour chaque investissement. Cela aurait entraîné d’énormes coûts supplémentaires.
«Caractère arbitraire»
Chaque investisseur a le droit de décider dans quels domaines il a envie d’investir et chaque entrepreneur a le droit d’obtenir du financement pour ses produits, a déclaré le conseiller aux Etats Philippe Bauer (PLR/NE) sur les ondes de la RTS. Il n’y a pas lieu que l’Etat interdise des activités qui sont autorisées par le droit international.
Pour le conseiller national Jean-Luc Addor (UDC/VS), l’initiative issue des milieux qui ont toujours visé l’abolition de l’armée aurait menacé notre sécurité et de nombreux emplois. La réglementation sur le matériel de guerre est déjà extrêmement stricte, a-t-il déclaré sur le plateau de la RTS.
Pour Christine Bulliard-Marbach (PDC/FR), l’initiative remporte «un succès d’estime», même si la population a vu qu’elle avait un «caractère arbitraire». La conseillère nationale a aussi indiqué que ce refus montre l’attachement des Suisses à une politique de défense «responsable», qui inclut aussi une capacité de produire du matériel de guerre. Et de mettre en avant que «la BNS doit être indépendante».
L’initiative a été clairement rejetée, car elle souffrait de deux défauts rédhibitoires, selon le conseiller national François Pointet (PVL/VD). Elle était trop compliquée à mettre en œuvre et ne remplissait pas les objectifs pour plus de paix dans le monde. La paix s’obtient par une sécurité armée et par les bons offices, a-t-il estimé.
Les questionnements actuels sur le caractère éthique des investissements sont déjà en cours, a aussi relevé M. Pointet. «Au niveau européen, une réflexion est menée sur les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La Suisse n’y échappe pas». Aujourd’hui déjà, la BNS a une liste d’exclusion, selon lui.
D’autres initiatives
Pour la suite, Thomas Bruchez indique que des actions sont à entreprendre pour une «interdiction totale du financement tant direct qu’indirect des entreprises productrices d’armes prohibées». A ce sujet, les Jeunes Verts notamment demandent que la Suisse ratifie le traité sur l’interdiction des armes nucléaires de l’ONU, qui entrera en vigueur en janvier 2021.
M. Bruchez évoque aussi l’initiative «contre les exportations d’armes dans des pays en proie à la guerre civile», qui devrait être soumise au vote en 2021. Du côté du PS, une nouvelle initiative est en train d’être discutée, pour une place financière «propre».
ATS/NXP
Vous avez trouvé une erreur?Merci de nous la signaler.