Sorties livres, BDMaupassant en briquette, Cioran en bulles
Le géant des nouvelles compilé en ouvrage massif, le philosophe nihiliste aéré en BD et quelques autres pour voir la vie en rose et noir.

La France au bout des moustaches de Maupassant
Compilation «Peintre et poète des provinces», Guy de Maupassant (1850-1893) s’offre en bloc dans l’imposante compilation de ses nouvelles. Avec un léger sarcasme, Claude Aziza note combien l’écrivain resta incompris de son vivant. Zola, dit-il, voulait le rallier au naturalisme, Goncourt au réalisme, Mallarmé le jugeait héritier d’Edgar A. Poe.

L’écrivain se plaçait sous le soleil noir de Baudelaire pour l’humeur, la brillance de Flaubert pour le style. De «Boule de suif» à «Mouche», le suivre dans les campagnes, croiser ses petites gens, colporteur, fille de ferme engrossée et accro au trou normand, soulever des canotiers ou des jupes de demoiselles garantit un exotisme inédit. Avec ce navigateur au long court, la forme ramassée n’empêche pas la longueur en bouche, l’infini des horizons. CLE
«Contes et nouvelles du pays de France»
Guy de Maupassant
Ed. Omnibus, 893 p.
La victoire au bout des souffrances de Lidia

Bande dessinée Lidia, 18 ans, souffre. La nuit, un cauchemar récurrent l’envahit: l’impression d’être scrutée par des regards avides. Des mains semblent l’agripper. Au réveil, mal dans sa peau, elle subit des crises d’angoisse qui rejaillissent sur la relation avec son petit ami. Vainement, elle cherche à comprendre l’origine de la douleur qui la mine. De sa mémoire émerge un visage oublié: celui du jeune homme qui l’avait violée quand elle avait 7 ans…

Sur fond d’abus sexuel, Lidia Mathez signe un récit autobiographique touchant. En noir et blanc rehaussé d’aplats roses, son dessin d’inspiration manga restitue la difficile quête de réappropriation de son corps. Travail de diplôme de cette élève de l’ESBDI à Genève, «Embrasse-moi» constitue son premier roman graphique publié. Une plume à suivre. PMU
«Embrasse-moi»
Lidia Mathez
Éd. La Joie de lire, 96 p.

Cioran relu par un «Tintin philosophe»

Essai Dessinateur de presse, Patrice Reytier s’improvise «Tintin philosophe» en revenant à Cioran, son auteur de chevet. Au contraire d’autres, les aphorismes du Roumain ne le désespèrent pas, ne l’encouragent pas au cynisme. Compagnon de ses déambulations dans Paris, le penseur pessimiste exerce au contraire une joyeuse influence.

Ses réflexions gambadent entre les socles bâtis par Michel-Ange et Mozart, questionne le couple Mary Shelley et Lord Byron, passe en revue d’autres religions que l’art, christianisme, bouddhisme etc. Sous le signe d’une bande dessinée fragmentaire les bulles inscrivent une joyeuse connivence, souffle la légèreté là où la gravité semblait de mise.
Au hasard de chapitres hétéroclites pose même «Un homme heureux». De quoi mesurer le choc. CLE
«Un homme heureux»
Cioran, dessins de Patrick Reytier
Ed. Rivages, 93 p.
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