Les arbitres des bonnes manières diront que nous avons jusqu’au 31 janvier pour remercier les gens qui nous ont présenté leurs vœux. Mais qu’il faut quand même le faire avant, pour montrer que ce n’est pas une corvée de dernière minute. Et auparavant encore, il faut déjà les présenter, ces fichus vœux.
Évidemment, le personnel politique n’échappe pas à la tradition. Il présente ses vœux dans une sobriété assumée. Au ras des pâquerettes. Moins ils en disent, mieux ils se portent. Les auteurs des vœux soulignent ainsi qu’ils sont enfermés dans un exercice forcé. C’est le «Bonjour! Bonjour!» annuel, en quelque sorte. Sympa, mais insignifiant. Ou presque.
«Chapeau à Valérie Dittli, qui se distingue en choisissant un artiste encore plus jeune qu’elle.»
Prenons le Conseil d’État vaudois. La plupart de ses membres prennent la peine de produire une carte de vœux personnelle. Saluons cette pratique qui met en valeur des artistes visuels bien de chez nous et qui permet des audaces, mais pas trop quand même. Ainsi Rebecca Ruiz choisit une photo de végétaux bourgeonnants de Matthieu Gafsou, le photographe de la carte du Conseil fédéral. Coïncidence?
Moins célèbre, la dessinatrice Fanny Vaucher illustre la carte de Vassilis Venizelos. L’auteure de la BD «Le siècle d’Emma» est une écologiste sans doute plus radicale que le ministre (elle est végane et elle ne veut pas d’enfants, aux dernières nouvelles). Son dessin symbolise l’air pur, et le cycle des saisons. Chapeau à Valérie Dittli, qui se distingue en choisissant un artiste encore plus jeune qu’elle: un apprenti photographe du Centre d’enseignement professionnel de Vevey. À 25 ans, Bruno Cabete propose un assemblage sur gélatines évoquant des greffes de plantes. À l’image de la ministre des Finances, il semble prometteur.
Il y a d’autres manières de se différencier. Isabelle Moret décline son écologie en mode techno, plutôt qu’en mode nature, avec une vidéo où elle présente des vœux quasi présidentiels, comme si les Vaudois avaient passé tout 2022 avec la ministre, alors qu’elle n’a pris ses fonctions qu’en juillet. Elle vante un bâtiment en bois, achevé, à la toiture saturée de panneaux solaires. Frédéric Borloz, lui, se fait remarquer en abandonnant le papier. Ses vœux se réduisent à un mail.
Entre Virgile et Simone Veil
Quand ils citent des phrases en exergue, nos ministres préfèrent souvent les morts. Frédéric Borloz utilise Virgile (traduit du latin), Vassilis Venizelos Christian Bobin, dont le décès est plus récent. Sinon, ça se joue aussi à front renversé. Les deux socialistes convoquent la droite gouvernementale française. Simone Veil pour Rebecca Ruiz et Jacques Chirac pour Nuria Gorrite. Valérie Dittli et Isabelle Moret ne citent personne d’autre qu’elles-mêmes et Christelle Luisier s’appuie sur le peu conservateur homme de cinéma Xavier Dolan (et encore vivant).
Quand ils ne sortent pas leur propre carte, les ministres vaudois utilisent le visuel officiel, qui renvoie à la vidéo tout aussi officielle. Là, les communicants ont pris le dessus sur les artistes. On suit des jeunes qui courent et dansent dans des sites urbains dépouillés, faits de ciel gris, de béton, de métal et de verre, avec pour slogan final «Traçons de nouvelles lignes». Voilà qui ressemble furieusement à la vidéo des vœux de 2022, pleine de jeunes en mouvement, mais sous un ciel plus bleu, et avec cette conclusion «Nouvelle année, nouvel élan». Pourtant entre deux, la majorité a changé. Mais cela n’a rien à voir. Car les vœux de bonne année, c’est un des rares moments où on n’a pas grand-chose à dire. C’est l’essentiel.
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Carte blanche – Moins ils en disent, mieux ils se portent
Les vœux de bonne année restent un passage obligé. Nos conseillers d’État n’échappent pas à la règle.