Flambée de colère à Hongkong après les violences sur les militants
Des triades ont-elles été chargées de tabasser les activistes? La police est accusée d’avoir délibérément tardé.

«Des triades tabassent le peuple de Hongkong et vous faites comme si de rien n’était?» Il fulmine, le député Alvin Yeung, leader du Parti civique. Et il n’est pas le seul. La colère gronde dans l’ancienne colonie britannique, à la suite des attaques brutales perpétrées dimanche soir contre des dizaines de contestataires. Tard dans la soirée, dans la station de métro de Yuen Long, des gangs armés de bâtons, de barres métalliques et de battes ont fondu sur les manifestants qui rentraient chez eux, dans le nord du territoire semi-autonome. Le visage masqué, vêtus de T-shirts blancs, ils ont frappé sans distinction les activistes prodémocratie habillés de noir et les simples passagers, dont des personnes âgées et des femmes enceintes. La police, arrivée tardivement, n’a procédé à aucune arrestation. D’où le tollé.
Le récit de la soirée fait froid dans le dos. Il était 22h30 quand les agresseurs ont lancé leur premier assaut, dans la station de métro mais aussi dans plusieurs rames, rapporte le quotidien hongkongais «South China Morning Post», sur la base de témoignages recueillis sur place. Avertis que des violences étaient en cours, des membres du personnel ont appelé la police à 22h45. Sept minutes plus tard, deux officiers armés arrivaient sur les lieux, mais battaient en retraite pour réclamer des renforts. Quand leurs collègues de la police antiémeutes sont arrivés, à 23h15, les voyous étaient déjà repartis et ils ont été accueillis par une foule en colère qui leur reprochait d’avoir tant tardé.
Sale besogne
Mais il y a pire. La police repartie, une seconde attaque a eu lieu vers minuit dans la même station. Des victimes ont accusé les forces de l’ordre de s’être retirées délibérément. Vers 1 heure du matin, quand une centaine de policiers antiémeutes ont bouclé la zone de Nam Pin Wai Village, où la plupart des hommes en blanc s’étaient rassemblés, il n’y a pas eu la moindre arrestation. À 7 heures du matin, les hôpitaux annonçaient avoir dû traiter au moins 45 blessés. Des flaques de sang souillaient encore le sol de la station de métro…
Pour les opposants au gouvernement de Carrie Lam, cela ne fait pas l’ombre d’un doute: des membres des triades, les terrifiants gangs chinois du crime organisé, auraient été engagés pour semer la terreur à Hongkong. Et la police aurait reçu l’ordre de ne pas les en empêcher. Une vidéo montre un député pro-Pékin, Junius Ho Kwan, serrer la main à des hommes en blanc alignés dans une rue proche, les félicitant avec le pouce levé ou en leur tapant sur l’épaule. De quoi accréditer la thèse d’une attaque tout sauf spontanée. En septembre 2017, le même député avait déclaré qu’il fallait se débarrasser des indépendantistes «comme on tue les chiens et les cochons».
Ce ne serait pas la première fois que le gouvernement donne carte blanche à des voyous, assurent les activistes hongkongais, qui avaient déjà articulé de telles accusations en 2014 lors des manifestations antigouvernementales dites du Mouvement des parapluies. Les agresseurs, disent-ils, sont sans doute venus du sud de la Chine où les autorités locales font volontiers appel aux triades pour intimider la population. En tout cas, des images montrent des hommes en T-shirts blancs quittant les lieux lundi dans des véhicules arborant des plaques d’immatriculation chinoises.
Tournant répressif
Chef de la police hongkongaise, John Tse Chun-chung, dément toute collusion avec ces gangs. Si les forces de l’ordre ont tardé à intervenir, c’est qu’elles étaient très occupées ailleurs à charger contre des manifestations. Des balles en caoutchouc et des gaz lacrymogènes ont été utilisés dimanche soir contre les contestataires qui s’en prenaient au Bureau de liaison du gouvernement chinois, jetant des œufs sur la façade et la couvrant de graffitis. Un nouveau défi à l’autorité de Pékin, après la mise à sac du Parlement hongkongais le 1er juillet.
Mais la fermeté de la police contre les manifestants contraste justement avec la «carte blanche» laissée aux gangs qui ont attaqué la station de Yuen Long. «C’est un tournant dans l’histoire de Hongkong», assène le député Alvin Yeung.
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Commentaire: La ligne rouge est franchie
C’est sans doute un tournant. Face aux manifestations qui ébranlent Hongkong depuis le 9 juin, la police est restée jusqu’ici relativement mesurée. L’ancienne colonie britannique a beau être revenue en 1997 dans le giron de la Chine, on n’y a pas vu de répression massive comme ailleurs dans le pays. Les Hongkongais, c’est certain, ont une liberté de parole que leur envient Tibétains et Ouïgours, même si leur statut particulier semble progressivement grignoté par Pékin. Mais, pour le président Xi Jinping, une ligne rouge ne peut pas être franchie, il l’avait dit sans détour dans un discours le 1er juillet 2017: on ne parle pas d’indépendance, on ne met pas en question la souveraineté chinoise. Or cette ligne-là a été franchie.
Au départ du mouvement de contestation actuel, les manifestants réclamaient le retrait pur et simple d’un projet de loi permettant des extraditions judiciaires vers la Chine continentale. Mais aujourd’hui ils veulent la démission de la cheffe de l’Exécutif hongkongais, qui fut choisie parmi les candidats sélectionnés par Pékin. Ils réclament une élection au suffrage universel. Et certains osent le graffiti tabou: «Indépendance!»
Évidemment, on voit mal le président Xi Jinping envoyer les troupes à Hongkong. Mais il existe bien d’autres moyens. Choquante, l’entrée en scène de gangs du crime organisé est-elle par exemple un avertissement? Très largement médiatisée, la découverte, il y a quelques jours, d’explosifs et de matériel de campagne séparatiste dans une zone industrielle sert-elle à nourrir la peur d’une plongée dans la violence? On comprend bien le message: la ligne rouge franchie, le pire peut désormais arriver.
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