La mode durable offre une nouvelle vie aux tissus et aux femmes
#EU4YOULe projet Quid, financé par l'UE, recycle des tissus et donne du travail à des femmes défavorisées ou ayant survécu à des abus.
Des rouleaux de tissus divers s’entassent dans les locaux du nouvel entrepôt d’Avesa, un quartier de Vérone situé à deux pas de l’Adige et du théâtre romain antique. À l’étage, une centaine de femmes et quelques rares hommes confectionnent et repassent des habits et des accessoires, assis devant leurs machines ou debout, au milieu de tas de vêtements à contrôler. Ils sont originaires de vingt pays et trois continents, ont survécu à des conflits, ont fui la persécution et l’exploitation, ont réussi à se sortir de l’enfer de la drogue et de l’alcool ou du chômage tardif.
Certains luttent pour surmonter un handicap physique et mental ou pour retrouver une vie normale après un séjour en prison. Ces individus qui ne connaissent que trop bien le goût de la souffrance n’ont pas en commun que la dignité de gagner leur vie avec leurs propres mains: comme les tissus qu’ils coupent et refaçonnent, ils sont considérés comme des déchets et rebuts de la société. C’est de tout cela, de ces personnes et tissus «excédentaires» prêts à être éliminés on ne sait pas où, de sept années de xénophobie croissante dans le nord-est de l’Italie, qu’est née la beauté d’un grand projet de mode italien qui parvient à concilier marché, durabilité environnementale, solidarité et accueil.
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L’idée du projet Quid est née dans l’esprit d’une jeune étudiante en économie de l’Université Bocconi, à Milan. Elle s’appelle Anna Fiscale et elle a
Projet international
La première année, l’entreprise, qui ne comptait alors que deux collaboratrices, a réalisé un chiffre d’affaires de
Les associations et communautés qui proposent un parcours de réinsertion à durée déterminée, à travers des emplois qui grâce à la beauté, soutiennent la confiance en soi, n’ont rien d’un phénomène récent. Ce qui est nouveau, en revanche, c’est qu’une société de mode éthique, en recyclant des tissus inutilisés, parvienne à offrir des contrats de travail stables, à durée indéterminée, et réussisse à prospérer selon les règles du marché. «Le défi de la coopérative, explique Ludovico Mantoan,
Pas une démonstration de charité
L’entreprise sociale n’a rien d’une démonstration de charité, c’est la confirmation qu’aujourd’hui faire passer la personne avant le profit peut générer une nouvelle valeur. La diversité favorise la créativité et on sent que chaque produit a une histoire importante à raconter.» Une réalité dont se sont rendu compte une trentaine des marques les plus célèbres de la mode italienne, de grands créateurs, des multinationales du textile, du design et de l’alimentation biologique, mais également les institutions européennes. Ces cinq dernières années, la Commission européenne et la Banque européenne pour le développement ont attribué à Anna Fiscale les plus hautes distinctions en matière d’innovation et de durabilité, soutenant financièrement la croissance de l’entreprise et la formation des employés.
De nombreux partenaires commerciaux faisant don de leurs excédents à Quid, les laboratoires d’Avesa peuvent commercialiser des collections de qualité supérieure, respectueuses de la nature et à des prix démocratiques. «Je passe mes journées au téléphone, avec des entreprises prêtes à nous offrir leurs restes de tissus, explique Marco Penazzo,
Soutien de l'UE
Sans le soutien de l’UE, ce miracle italien devenu un exemple mondial d’accueil et de sensibilité à la vulnérabilité, en particulier celle des femmes, n’aurait pas été possible. C’est pourquoi le vent néonationaliste, souverainiste et xénophobe qui revient aujourd’hui secouer l’Europe préoccupe Anna Fiscale. «Par rapport à il y a cinq ans, les obstacles bureaucratiques ont explosé et les financements ont dégringolé pour des initiatives similaires. Si les forces antieuropéennes triomphent, il sera de plus en plus difficile de rester des êtres humains dans une économie de marché. Je reste néanmoins optimiste: dans la vraie vie, les personnes ordinaires sont bien plus ouvertes et généreuses que les slogans électoraux d’une classe dirigeante et politique qui se nourrit de la peur d’une réalité inexistante, représentée à des fins exclusivement médiatiques. Nous, comme tous les jeunes, avons confiance en l’Europe, notre maison commune, et cherchons de nouveaux partenaires éthiques dans tous les pays de l’Union.»
Dans les locaux de Quid, on ne parle pas des histoires personnelles des réfugiés, victimes de violences et rescapés de la douleur. Du déchet au style, à Avesa seule la beauté a le droit de parler. Celles qui confectionnent les prochaines collections devant leurs machines ont le sourire aux lèvres. Elles ont aujourd’hui un travail, une maison, un salaire juste et se sentent mieux dans leur peau. Bientôt, même des handicapées, d’anciennes esclaves et détenues de tous âges défileront sur les podiums. Elles n’ont plus honte, car elles savent aujourd’hui que, dans un monde sans frontières fermées, tout le monde peut se réaliser, à sa façon.
Créé: 14.05.2019, 14h04
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