Une expo en faveur d’octobre roseMontrez ce sein qu’il faut voir
La 4e édition de l’exposition de la Fondation Francine Delacrétaz en faveur des personnes touchées par le cancer du sein réunit 45 artistes jusqu’au 8 novembre à l’Espace Arlaud à Lausanne.

Elle n’est ni pesante, ni édulcorée. Mais il y a une réelle atmosphère dans l’exposition «Des seins à dessein», quatrième du nom à l’Espace Arlaud à Lausanne. De ces atmosphères qui pénètrent et imprègnent pour longtemps parce qu’il se passe quelque chose! Bien sûr… le sujet compte, cristallisant l’effroi, la combativité, la féminité, la résilience comme l’amour en tournant autour de ce cancer du sein qui en Suisse touche une femme sur sept. Mais il n’est pas le seul à provoquer ce saisissement.
Souvent les expositions thématiques ont l’art d’étriquer le regard, voire de le simplifier. Ici, c’est l’art qui dirige et surtout qui ouvre ce regard. Par la grâce des plasticiens, une quarantaine de sensibilités établies sur la scène contemporaine suisse comme la Genevoise Sylvie Fleury qui laisse éclater un «Joy» incitatif dans un dégradé métallisé et lumineux, ou qui s’y installent comme Romy Colombe K., auteure d’une cabane, abri des mots comme des maux!
Souvent les expositions thématiques ont l’art d’étriquer le regard, voire de le simplifier. Ici, c’est l’art qui dirige et surtout qui ouvre le regard
Cette atmosphère résulte aussi du choix avisé d’une curatrice immergée par passion dans cette scène, la chirurgienne Marie-Christine Gailloud-Matthieu, initiatrice de ces expositions avec Francine Delacrétaz, emportée par la maladie juste après le début de la première en 2006. Et de la sensibilité de David Lemaire, directeur du Musée des beaux-arts de La Chaux-de-Fonds, appelé pour mettre en forme cette quatrième édition. Il y a orchestré des rythmes qui se suivent, épurés, ondoyants, résonants mais qui ne se ressemblent pas.
Une belle métaphore
C’est étrange de le dire comme ça, peut-être que la part caritative du projet détourne un instant l’attention – 50% du produit des ventes pour la Fondation Francine Delacrétaz, 50% pour les artistes – mais «Des seins à dessein» est une exposition collective d’art contemporain significative. Aussi pointue que populaire parce que c’est un lieu de vie, d’échos, de sens et de sensibilités. Le cancer y résonne bien sûr, présent en filigrane et rassembleur!
Il vient avec des mots, «là, on dormait encore dans le même lit», «on m’a enlevé les deux», «ça peut être beau». Ces instantanés que Nathalie Perrin a recueillis pour les relier dans une même énergie dessinée, sorte de cadavre exquis. Il se pose aussi en réalité invisible pour ces femmes qui, comme Aimée Hoving, ont reçu en héritage génétique le risque de développer la maladie. Elle le dit dans un triptyque montrant de petites princesses – membre de sa famille – rivalisant de subterfuges pour se faire des «nénés».

Mais ce crabe se laisse le plus souvent anéantir par l’art de créer. Et la métaphore est tout simplement belle, courant, diffuse, dans les étages d’Arlaud. Comme dans les escaliers avec la peinture murale de Guillaume Pilet où le sein devient motif, écriture. Il ondule dans une danse redondante, se détache de l’abstrait, forme même une petite armée: on passe du côté de la force de la femme. De l’appropriation du corps, de l’art de faire le monde ou de le porter en soi. Il tient dans les apparences trompeuses de ces tissus mammaires radiographiés par Julie Monot qui ressemblent au visage d’un extraterrestre ou aux contours d’un masque tribal. Ce monde perce à travers les rondeurs de Tonatiuh Ambrosetti qui vont par deux, habitées d’une mystérieuse cosmogonie. Il défile encore dans avec ce peuple miniature de Lucie Kohler sorti d’une mythologie aux multiples héroïnes, drôles, dominantes, biscornues, sensuelles…
L’art qui inspire
À Arlaud, il y a des énergies, de la confusion, des émotions palpables qui mordent l’œuvre, tournoient et affleurent, vibrantes, dans les textiles de Xenia Lucie Laffely. Il y a aussi la liberté de vivre son corps en brisant les codes dans le patchwork photographique de Sim Ouch.
Qu’ils figurent comme Marie Taillefer, une femme en apesanteur entre deux états émotionnels, qu’ils rejouent le désir de «L’Amour» de Hodler comme David Weishaar ou qu’ils évoquent la pureté fragile à travers une poétique de l’épure comme Miguel Menezes, les 45 artistes de cette 4e édition parlent de tout. Sans tabou! Et dans une magnifique définition collective de l’art qui inspire.

Lausanne, Espace Arlaud
Jusqu’au 8 novembre,
du me au ve (12h-18h), sa-di (11h-17h)
www.fondationfrancinedelacretaz.ch
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