Nathalie Delhaye sculpte des pièces tout en finesse dans des blocs de 20 tonnes
Le public pourra voir travailler les habiles mains les 31 mars, 1er et 2 avril. Avant-goût dans la carrière où oeuvre une passionnée, qui crée des objets de A à Z, dans un monde où l'automatisation est devenue la norme.
On n'arrive pas à l'atelier de Nathalie Delhaye par hasard, mais en suivant ses précieuses indications pour dénicher sa maisonnette dans la carrière du Lessus, à St-Triphon. Pas celle, désaffectée, qui a accueilli à plusieurs reprises la troupe du Karl's Kühne Gassenschau, mais celle, voisine, qui bourdonne d'activité. «Je cherchais un lieu de création et quand j'ai vu cet endroit, je me suis dit, «c'est là». Quand je prépare une expo, il m'arrive de travailler 15 à 16 heures par jour. Ici je peux tailler à 3 heures du matin, ça ne dérange personne.» Devant sa tanière, la sculpteure (elle n'aime pas le mot sculptrice) apprivoise des blocs de pierre presque aussi lourds que les 30 tonnes qui circulent sur le chantier. Marbre, granit ou albâtre arrivent bruts à sa porte. En ce moment, elle façonne une pièce en marbre noir du Pays basque tiré d'un bloc de 22 tonnes. Après toute la partie de découpe qui l'a allégé à 16 tonnes, elle s'attelle au polissage, qui rend la pierre noire, brillante, et très douce au toucher. Se confronter à la roche demande une certaine poigne. Rien que la grande meule à disque, qui se manie à la main pour détacher de grandes parties de pierre, pèse 5 kilos. Mais modeler ces géants requiert aussi beaucoup de finesse. Massive, la pièce qui se transforme ces jours entre ses mains s'avère bien plus fragile qu'il n'y paraît. «Comme elle est très fine à certains endroits, je ne peux plus donner de vibrations. Je ne peux plus la travailler qu'en ponçage.» Le côté qu'elle trouve encore trop «dodu» sera allégé ainsi. Son rythme de création se compte en mois plutôt qu'en semaines. Un art lent bien accordé à la mue imperceptible de la matière minérale à l'aune d'une vie humaine: «La pierre a le temps. Prenez une chaise et asseyez-vous face à elle. C'est une sacrée leçon d'humilité.»
Même s'il n'est pas toujours facile d'évoluer dans un milieu essentiellement masculin, Nathalie Delhaye tient à garder sa féminité: «Je suis en train de me créer des robes pour sculpter. Il faut qu'elles soient suffisamment près du corps, sinon c'est dangereux car les outils peuvent se prendre dans le tissu, mais le confort est incomparable.» Avant d'évoluer dans cet univers d'hommes, elle a commencé par choisir une tout autre voie. Infirmière pendant dix ans, elle a subi le stress des horaires et fini par démissionner, en burn-out. «J'ai vu assez de gens mourir et me dire qu'ils n'avaient pas fait ce qu'ils voulaient de leur vie. Cela m'a décidée à partir, sans rien.» La Jurassienne d'origine née en 1966 à La Chaux-de-Fonds, n'avait jamais vraiment sculpté, même si elle vient d'une famille qui valorise le geste artisanal. «Mon père, mécanicien de précision et inventeur, m'a donné une éducation façon XVIIIe siècle, il m'a appris à modeler et m'a formée au dessin. Ma famille est également passionnée de montres et collectionneuse d'outils, dont certains remontent au Haut Moyen-Age. On cherchait aussi des cristaux, et j'aimais beaucoup tailler les semi-précieux.» Avant d'opter pour la voie médicale, elle voulait d'ailleurs être bijoutière. C'est ce qui l'a finalement amenée à la sculpture. «Un jour je travaillais des pierres fines chez des amis et j'ai dit que mes mains avaient envie de créer ensemble, mais je ne savais pas encore pour quoi faire. L'amie en question m'a alors amené un bloc d'albâtre. Un soir je l'ai sculpté, c'est venu d'un coup, j'ai tout de suite su exactement ce que j'avais à faire, où j'allais. C'était un feu de joie. C'est là que j'ai décidé de quitter ma profession.» Très vite, ses œuvres sont exposées et les ventes suivent. «Après il faut tenir.» Sculpteure depuis 17 ans, l'artiste plaide pour la reconnaissance d'un savoir-faire artisanal: «Il est important de mettre en avant le geste, le fait d'avoir essayé et échoué, de devoir se mettre à genoux devant la matière, et de se remettre profondément en question.»
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