ChatGPT est arrivé à l’école sans lui demander son avis. Peut-on lui en vouloir… La politesse reste un embarras purement humain. Certains élèves, soit plus flemmards, soit plus rusés que les autres, n’ont pas attendu que les enseignants organisent la résistance pour se ruer sur l’outil.
C’est de bonne guerre, et parfois même une forme d’intelligence que de savoir prendre des raccourcis. Seulement, celui-ci est peut-être trop vertigineux pour être accepté. Une machine qui «pense» à notre place, envoyant nos cerveaux prendre la poussière, voilà qui promet une crise existentielle planétaire. Lui ouvrir les portes de l’école au lieu de la chasser, est-ce bien raisonnable?
Eh bien oui. Se blinder contre un «intrus» déjà installé n’aurait aucun sens. Car l’intelligence artificielle (IA) ne fait que s’échauffer. Avec ou sans la bénédiction de l’école, elle déferlera sur le monde à une vitesse qui donnerait le tournis à Alan Turing, l’informaticien qui la préfigurait il y a un peu moins d’un siècle. C’est probablement fléchir devant les GAFA, qui s’en frottent les mains, mais cela fait des années qu’ils ont gagné la partie… Quand les aéroports seront organisés par l’IA, nous serons bien contents que les aiguilleurs du ciel sachent lui parler depuis la tour de contrôle.
«Le risque est que le fossé numérique se creuse dans l’ombre et accouche d’une génération mal préparée à ses propres défis d’avenir.»
Alors oui, ça commence à l’école. Oui, ça signifie la restructuration des cours, l’obsolescence de certains exercices de style, la valorisation de nouvelles compétences comme la lucidité face à des sources d’information toujours plus hétérogènes. Vous ressentez un vertige? Nous n’avons pas le choix. Les élèves ont déjà un coup d’avance sur les enseignants. Le risque est que le fossé numérique se creuse dans l’ombre et accouche d’une génération mal préparée à ses propres défis d’avenir. Il ne faut pas se laisser ringardiser.
De la même manière que l’arrivée de la calculatrice n’a pas «sauvé» les cancres en mathématiques – les consignes devenant simplement plus exigeantes –, ChatGPT ne pourra pas servir de cache-misère aux élèves qui transpirent en écrivant un devoir de français. Du moins, pas si l’école s’adapte aux nouvelles règles du jeu. Et coupe l’herbe sous le pied à tous les petits tricheurs, qui auront eu bien raison d’avoir essayé.
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Éditorial – Ne pas se laisser ringardiser
ChatGPT a débarqué clandestinement dans les travaux scolaires. Pour l’école, mieux vaut apprivoiser l’outil que de le laisser à la seule disposition des tricheurs.