L’obsolescence programmée n’est pas un mythe. La Fédération romande des consommateurs (FRC) la constate tous les jours via les témoignages qu’elle reçoit. Assurément, certains convoitent par principe le dernier cri, mais ils ne sont pas la norme. Si l’on achète autant du neuf, c’est d’abord parce que cela reste souvent moins cher, plus rapide et plus simple que de faire réparer. Ensuite, parce qu’il s’agit de retrouver une performance initiale, dans l’électronique notamment. Enfin, la raison en est que de nombreuses choses ne sont pas conçues pour être réparables, tout simplement.
L’initiative pour une économie verte a été lancée il y a dix ans. Mais le parlement l’a rejetée, de même que son contre-projet, à quelques voix près. Depuis, les objets parlementaires dans le domaine de l’économie circulaire et de la réparabilité n’ont pas diminué. La Suisse n’a pas encore franchi d’étape notable. Pourtant, elle est dans de bonnes dispositions économiques et intellectuelles pour opérer la transition d’une économie linéaire (extraction-fabrication-consommation-élimination) à une économie qui offre de nouvelles possibilités et respecte les ressources à disposition. Selon une étude du cabinet d’audit PwC et du WWF, plus de 90% des ressources naturelles ne sont pas utilisées deux fois.
«Fabriquer tout un objet est beaucoup plus aisé que d’en changer un seul composant, c’est un comble!»
La législation et la pratique ont axé les efforts sur la gestion des déchets et le recyclage des matières. Ces étapes sont importantes mais constituent les phases finales du cycle de vie d’un produit. Avant, il peut avoir une autre vie. Or le test à paraître en février dans le magazine «Mieux choisir» de la FRC le montre: l’aptitude à être réparé des smartphones standards est catastrophique. Fabriquer tout un objet est beaucoup plus aisé que d’en changer un seul composant, c’est un comble! Le modèle économique fondé sur la surproduction et la surconsommation domine, alors que c’est lui qui devrait être obsolète.
Les freins sont nombreux: la conception empêche les possibilités de réparation, le prix d’une remise à neuf est prohibitif, la garantie a une durée très limitée et exclut certains éléments (batterie p. ex.), les pièces détachées ne sont pas disponibles et le marché de la réparation ne bénéficie d’aucun incitatif économique. Un tournant peut – et doit – avoir lieu, c’est à la législation d’y contribuer pour que les pratiques changent en profondeur.
Consommateurs favorables
L’information à la clientèle est aussi un levier. Il permettrait qu’elle joue pleinement son rôle d’acteur sur le marché. L’Eurobaromètre indique que 77% des consommateurs préféreraient réparer plutôt que de remplacer leurs appareils et 79% estiment que les fabricants devraient être tenus de faciliter cette démarche. Le Parlement européen a plébiscité en novembre le droit à la réparabilité et a demandé à la Commission un étiquetage ad hoc obligatoire qui renseigne avant l’achat. Les Suisses plaident à 98% pour pareil outil, qui leur permettrait d’effectuer un choix sur la base de critères objectifs, comme la disponibilité des pièces détachées ou la démontabilité de l’appareil.
La motion que j’avais déposée au Conseil national fin 2019 pour que la non-réparabilité soit indiquée sur l’emballage (en prenant les lampes LED comme exemple) a été rejetée par le Conseil fédéral. Pourtant, dans sa réponse, il confirme l’effet levier de l’indication de durée de vie et de réparabilité d’un objet. J’ai donc déposé une motion le chargeant de mettre en place un indice de réparabilité comme celui que connaît la France. Le marché et la fabrication évolueront aussi sous cette pression.
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Carte blanche – Nos objets doivent pouvoir être réparés
Sophie Michaud Gigon s’insurge contre la limitation volontaire de la durée de vie des appareils.