ScèneOmar Porras: «Le théâtre oriental est fondamental»
Omar Porras lance la saison du TKM avec une reprise de son «Roméo et Juliette» à la croisée des cultures occidentale et japonaise. Interview


Scène inattendue dans le foyer du TKM, à Renens, en ce mardi matin pluvieux. Un comédien japonais manie le sabre d'une incroyable dextérité; un autre, d'ici, tente de reproduire ses gestes sous le regard vigilant du maître des lieux, Omar Porras. Pour ouvrir sa saison, le Colombien offre une reprise de son Roméo et Juliette version nippone (en japonais et en français), créé en 2012 dans l'Empire du Soleil levant avant de tourner en Europe.
Pourquoi avez-vous choisi de transposer une pièce occidentale dans l'univers japonais?
Ma compagnie, le Teatro Malandro, a été invitée plusieurs fois par Tadashi Suzuki, fondateur du SPAC (lire ci-dessous), puis par son successeur, Satoshi Miyagi, à jouer ses spectacles au Japon. Au fil des ans, nous sommes allés plus loin dans notre amitié artistique et Miyagi m'a confié la reprise en japonais de mon Don Juan de Tirso de Molina, avec ses comédiens. C'est de là qu'est née notre envie de monter quelque chose avec nos deux troupes.
Pourquoi Roméo et Juliette?
On avait dans l'idée de parler de deux clans pour faire écho à nos deux troupes. Pour moi, c'était la possibilité de parler d'un métissage possible entre deux cultures. Roméo et Juliette est une pièce occidentale dont l'un des thèmes est la religion catholique, l'amour chrétien à travers le mariage, un concept complètement différent de la culture japonaise.
Il y a aussi des similitudes. La notion de clan est prégnante dans le Japon ancestral…
Oui, il n'y a qu'à regarder la filmographie de Kurosawa, notamment Le château de l'araignée, adapté de Macbeth. Il y est question de querelles perpétuelles.
Comment les comédiens japonais ont-ils nourri le travail des acteurs d'ici, et inversement?
Il s'agit d'un troc d'expériences. Il faut créer une alchimie, et pour qu'elle ait lieu il faut une grande discipline. Eux sont attentifs à nos jeux de mots, à nos attitudes corporelles. De notre côté, nous avons dû décodifier tous nos rituels et cette cérémonie qu'est notre théâtre.
Vous avez appris le japonais pour diriger les comédiens?
Je baragouine quelques mots. (Rires.) Non, je travaille en français, avec une interprète extraordinaire. Elle m'a accompagné dans des musées, m'a fait découvrir les rituels pour m'aider à comprendre certaines attitudes. Cela m'a permis d'être perméable à la culture japonaise et ne pas imposer ma vision occidentale. Il y a entre elle et moi quelque chose de passionnant et de déroutant, cette présence silencieuse, ce mystère, qu'à mon avis il ne faut pas chercher à dévoiler.
Dans le sillage d'Ariane Mnouchkine, vous nourrissez une fascination pour le théâtre oriental. Quel est son rôle dans votre travail?
Il est fondamental. Antonin Artaud disait que le théâtre est oriental. Au départ, c'est un acte spirituel, qui s'est perdu dans notre culture. Au théâtre, on ritualise, on sublime l'acte de la pensée en racontant des histoires. Ariane Mnouchkine est une figure tutélaire. Elle m'a beaucoup inspiré, car elle a su rassembler sur un plateau le passé des traditions et la pensée politique, d'actualité.
Vous dites que le théâtre oriental est un acte spirituel – comme la tragédie grecque. Vous cherchez à revenir aux origines?
Fabrice Melquiot (ndlr: écrivain et directeur du Théâtre Am Stram Gram à Genève) m'a dit un jour qu'il faut prendre garde à ne pas dire qu'on revient vers les sources mais qu'on y va. Je partage ce point de vue. Je démarre cette saison du TKM en allant vers les sources. Je programme aussi du kathakali, drame indien dansé qui raconte des épopées (du 1er au 3 déc.). Je veux parler de ces cultures ici, au TKM, pour que ce théâtre devienne, comme en Inde ou au Japon, un festival de communion populaire.
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Renens, TKM Du ma 19 sept. au di 8 oct. Relâche les lundis www.tkm.ch
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