«On ne peut pas dissocier l'archéologie de Palmyre de l'humain»
Un colloque de scientifiques international vient de se terminer à l'Université de Lausanne. Une étape pour la préservation du patrimoine de Palmyre, perle du désert ravagée par l'ISIS en 2015

Une étape de l'ombre, bien éloignée du soleil de Proche-Orient, mais une sacrée étape face à l'autre drame que la guerre a fait subir à la Syrie. Cette semaine à l'Université de Lausanne, des dizaines de scientifiques, des pontes de l'Unesco et des institutions internationales sont tombés d'accord sur une feuille de route destinée à la préservation du patrimoine de Palmyre. Cette perle du désert a été ravagée en 2015 par le groupe État islamique et les combats consécutifs. Son héritage dépend maintenant en bonne partie des archéologues du monde entier. C'est le message de Patrick Michel, un des organisateurs du colloque et cadre du projet Paul Collart visant la reconstitution numérique du fameux temple de Bêl à partir des archives du pionnier genevois.
À Palmyre, on en est à quoi?
À ma connaissance, la ville moderne est dépeuplée, le site fragilisé et loin d'être sécurisé. Il y a encore des mines et, je le rappelle, toujours un embargo international. Impossible pour les archéologues d'aller sur place et pour les ONG d'y envoyer des fonds. Ce qui ne veut pas dire qu'on ne peut rien faire. C'était le but de la réunion: voir avec diverses missions internationales (ndlr: de la France au Japon) comment coordonner nos efforts. Il fallait d'abord faire l'inventaire de nos documentations et se mettre d'accord sur la suite.
L'avenir de Palmyre passe par les archives des missions étrangères?
Si, un jour, le Syriens veulent reconstruire des monuments, ce sera leur décision. Notre colloque n'a pas abordé la question des reconstructions matérielles. Nous, nous cherchons à mettre à disposition de la communauté scientifique et du peuple syrien, en open-data, des fonds archivistiques issus de plus de un siècle de recherches sur place. Cet héritage local, devenu mondial, est en partie chez nous. De quoi nous permettre, depuis ici, de comprendre les bâtiments et le site avant les destructions de 2015 mais aussi avant les restaurations du XIXe siècle. Il y a un énorme travail: numériser, croiser les interprétations, avant de passer à une anastylose en 3D, soit la reconstitution numérique des différents états des édifices. Ensuite il y a une archéologie de la destruction en soi. C'est-à-dire identifier bloc par bloc ce qui a été détruit.
Et pendant ce temps, les objets transitent...
C'est aussi un des objectifs du colloque, dont les résultats ont été accueillis favorablement par l'Unesco. Les archives et les inventaires – dont la numérisation dépend encore de budgets – vont permettre d'identifier sur le marché de l'art des artefacts pillés dans les collections locales.
Le tout au milieu de pressions de toutes parts, n'est-ce pas difficile?
Nous restons dans notre rôle de scientifique. L'Université de Lausanne, la France et l'Allemagne vont coordonner une carte interactive utile à tous. Un pas important et un outil attendu. Nous allons surtout intégrer les populations. En exil dans des camps, des enfants grandissent sans avoir vu leur patrimoine. Nous voulons le leur apporter, via des collaborations avec des ONG. C'est cet héritage commun qui va servir à la Syrie: rappeler par exemple qu'avant d'être un site touristique, le temple de Bêl a été un temple païen, une église puis une mosquée. On ne peut pas dissocier l'archéologie de l'humain.
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