Distribution alimentaire de crise«On se croirait au XIXe siècle»
Une députée tente de braquer les projecteurs sur la grande précarité postpandémique. Une majorité du Grand Conseil balaie sa proposition.

L’objet est passé presque inaperçu au Grand Conseil, début juin. La socialiste Claire Attinger Doepper demandait que le Conseil d’État se penche plus encore qu’il ne le fait actuellement sur le sort des populations qui échappent au filet social. Privés de revenus par la crise sanitaire, ils ont été nombreux, et le sont encore, à se tourner vers les distributions de nourriture dans les centres socioculturels, à Lausanne notamment: «On se croirait au XIXe siècle!» s’exclame la députée.
Traitée tout à la fin de l’ordre du jour, dix minutes avant la fin de la séance, sa demande a été balayée par la majorité de droite du Grand Conseil. Rapporteur de majorité, le PLR Pierre Volet a plaidé que les services de l’État avaient tous les outils nécessaires pour jauger les inégalités et les taux de pauvreté dans le canton. Les images des files de personnes à Genève en quête d’un cabas ne doivent pas induire en erreur, selon lui: elles sont le fait d’employés de «riches diplomates» craignant le virus ou de personnes au «statut illégal». Sur Vaud, les «éventuelles lacunes» ont déjà été identifiées.
Distributions encore en cours
Pourtant, les distributions de cabas continuent dans les centres de quartier de Lausanne, comme le confirme par exemple la Maison de quartier de Chailly. Claire Attinger Doepper admet que le Conseil d’État ne reste pas inactif et «va dans le bon sens. Mais il faut poursuivre la réflexion et voir quels sont les écueils pour les personnes qui renoncent à recourir à l’aide sociale.» La diffusion de l’information sur la délivrance des prestations sociales devrait être affinée, juge-t-elle.

La question du «non-recours» aux prestations revient de plus en plus régulièrement. «Pourquoi ces personnes les plus isolées n’arrivent-elles pas à bénéficier des prestations qui ont été pensées pour elles? s’interroge la socialiste. C’est parce qu’elles n’arrivent pas à se déplacer au Centre social régional, un lieu trop stigmatisant. Il faudrait imaginer d’autres solutions.»
«Pourquoi ces personnes les plus isolées n’arrivent-elles pas à bénéficier des prestations?»
L’an dernier, le directeur général de la cohésion sociale, Fabrice Ghelfi, avait annoncé qu’un des chantiers de la prochaine législature qui démarrera en 2022 sera de faciliter l’accès aux prestations sociales grâce à une approche généraliste et coordonnée entre les différents régimes. Aujourd’hui, il fait valoir que les situations postpandémie sont «suivies».
L’État, poursuit-il, entretient un lien constant avec les régions d’action sociale et les associations caritatives comme le Centre social protestant et Caritas: «Nous les avons aidés dans leurs actions auprès de toutes les personnes qu’ils ont accompagnées, indépendamment de leur statut, au titre de la prévention de la détresse sociale.» Au demeurant, depuis quelques semaines, le nombre de recours aux fonds accordés par l’État aux associations a tendance à diminuer, dit encore le haut fonctionnaire.
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