«Oui, il y a lieu de s'inquiéter pour la villa romaine de Pully»
La Ville planche sur un avant-projet de musée mettant en valeur les vestiges menacés par l'humidité. Le Conseil communal tranchera.

«Oui, il y a lieu de s'inquiéter. L'endroit et la manière dont ces vestiges sont exposés sont catastrophiques. C'est dommage; il n'y a pas de scène figurée de cette ampleur en Suisse. Si l'on attend trop, il n'y aura bientôt plus rien à conserver.» Anne Bielman, professeure à l'Institut d'archéologie et des sciences de l'antiquité de l'UNIL, est alarmée par le sort de la villa romaine de Pully. Les vestiges de cette luxueuse demeure de plaisance datant du Ier siècle de notre ère sont visibles au centre-ville, sur la colline du Prieuré.
Vieux problème
Le palais lacustre construit, dit-on, par un certain Paulius, renferme des peintures murales exceptionnelles, dont une fresque de 15 mètres de long et 1,4 mètre de haut qui ornait le pavillon en hémicycle de la villa. Un décor peint figurant des scènes de courses de char. On peut aussi admirer le double mur semi-circulaire de la pièce qui s'ouvrait sur les jardins.
L'abri-musée inauguré en 1981 pour conserver ces vestiges antiques d'importance nationale se dégrade. L'humidité est un problème identifié depuis… dix ans, fait savoir Catherine May Castella, conservatrice du patrimoine archéologique vaudois. «Il est vrai que ces vestiges se sont dégradés ces dernières années. La fresque principale est stabilisée. Ce qui est préoccupant, ce sont les infiltrations d'eau et les remontées de sel qui peuvent abîmer les murs.» Le laboratoire de conservation-restauration des Site et musée romains d'Avenches a été mandaté par la Commune pour vérifier l'état des drainages au fond des murs.
Spécialiste des peintures murales et professeur d'archéologie à l'UNIL, Michel Fuchs confirme que «la peinture n'a presque pas bougé, d'après ce que j'ai vu. En revanche il me semble qu'elle a pâli légèrement à cause de l'exposition à la lumière.» L'humidité qui attaque les murs peut être «traîtresse», dit-il. Elle pourrait contaminer le mortier sur lequel est posée la fresque, fresque recomposée sur un support à partir des fragments trouvés au sol.
«Il est temps d'agir, estime Thierry Luginbühl, professeur d'archéologie gallo-romaine à l'UNIL. Cette villa a un caractère exceptionnel, avec cette architecture qui s'adapte au paysage pour profiter de la vue sur le lac et les montagnes, et la plus grande peinture murale romaine conservée de Suisse.»
Agir, c'est bien l'intention de la Municipalité de Pully, qui porte un projet d'assainissement et de mise en valeur de la villa. Le futur musée doit aussi accueillir l'Archéolab, situé de l'autre côté de la rue. Ambition affichée: faire de ce lieu le premier espace suisse de découverte des sciences de l'archéologie.
Les architectes et les autorités pulliéranes planchent sur un avant-projet avec les 320 000 francs de crédit d'étude débloqués il y a un an par le Conseil communal (à noter que les architectes qui ont remporté le concours en 2017 ont déjà été sommés de revoir à la baisse la taille de l'édifice).
«Nous présenterons dans un préavis quelles sont les solutions pour préserver les vestiges et les pistes, au niveau du contenu du musée, en vue d'élargir le public cible», indique le syndic de Pully, Gil Reichen. Ce préavis demandant des crédits d'étude supplémentaires ne sera pas voté avant l'automne 2020.
D'ici là, le syndic estime qu'«il y a sûrement un travail de conviction assez important à faire auprès du Conseil communal. Tout le monde n'a peut-être pas pris conscience du caractère d'urgence d'assainir ces vestiges classés au patrimoine national.»
«J'espère vraiment que le Conseil communal se rende compte de l'importance de mettre en valeur ces vestiges, réagit Béatrice Lovis, présidente de la section vaudoise de Patrimoine Suisse. Il y a une assez grande inertie pour la mise en valeur des sites romains sur le sol vaudois, et c'est bien dommage.»
Le coût du futur musée sera précisé dans le préavis. Le chiffre de 7 millions de francs a été articulé dans le passé. «Nous chercherons des cofinancements du Canton, de la Confédération et de partenaires privés», avance Gil Reichen.
Qui passera à la caisse?
Ce n'est pas gagné, à entendre l'archéologue cantonale, Nicole Pousaz: «C'est le propriétaire, la Commune, qui porte ce projet. Le propriétaire est responsable de l'entretien de son patrimoine. Donc, de manière globale, la réponse est non, le Canton ne va pas participer.» Il est probable que l'État donnera son appui à une demande de subventions fédérales.
«La Municipalité de Pully se démène, salue Anne Bielman. Les communes se sentent un peu livrées à elles-mêmes pour valoriser un patrimoine qui devrait être au minimum pensé à l'échelon cantonal. C'est le moment que le Canton agisse pour mettre concrètement en valeur la romanité vaudoise.»
Rappelons que l'état de la villa romaine d'Orbe fait aussi l'objet d'inquiétudes. Le mois dernier, le Grand Conseil a demandé à l'État de Vaud (propriétaire) un engagement plus important dans la protection et la mise en valeur des fameuses mosaïques.
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