Le roman d’un patrimoinePériple canadien d’un paysan qui voulut agrandir sa ferme
Expert des maisons rurales du Jura, Daniel Glauser a composé un roman historique richement documenté pour recréer la vie d’antan.

Qui les remarque encore, ces centaines de bâtisses au toit mal orienté? Ces vieilles fermes du Jura vaudois et neuchâtelois furent appelées des maltournées. Leur charpente, après l’ajout d’un étage, fut pivotée d’un quart de tour. Ce faisant, les pans du toit n’étaient plus dans l’axe de la vallée et donc dans le sens du vent et de la bise, mais suivant la pente du terrain. Cela permettait aussi un agrandissement latéral.
«J’avais une frustration et cette envie de raconter des histoires pour rendre ces maisons plus vivantes.»
Daniel Glauser a passé un quart de siècle à étudier les maisons rurales de la région, publiant cinq ouvrages patrimoniaux. «J’avais une frustration et cette envie de raconter des histoires pour rendre ces maisons plus vivantes», explique le septuagénaire. Autre ferment: la tradition orale de sa famille conte très succinctement l’émigration d’un aïeul, revenu d’Amérique avec suffisamment d’argent pour rehausser une ferme de Cheseaux-Noréaz.
Accumulant les idées au fil des années et compulsant nombre d’ouvrages d’époque, le géographe, ethnologue et navigateur à la voile entreprend la rédaction d’un roman historique une fois la retraite venue. Sous la forme de mémoires, «La maltournée» narre le quotidien d’un modeste paysan dans les environs de La Brévine en 1820. Christian Grieder s’aventure à gagner sa vie dans le commerce de pelleteries (fourrures) au Québec, se prenant d’affection pour les Amérindiens menacés, avant de rentrer financer la transformation de la ferme.
L’habitant de Sainte-Croix documente avec soin la vie paysanne jurassienne d’antan, de la fabrication d’alcool de gentiane à la battue aux loups, s’appliquant à l’illustrer d’un vocabulaire parfois tombé dans l’oubli. Il met également en scène le colonialisme européen, s’appropriant les territoires des Premières Nations. Si la soif de l’auteur à détailler l’époque submerge quelques fois la narration, l’amateur de traditions locales et d’histoire appréciera cette solide reconstitution.
«La maltournée», Daniel Glauser, Ed. Château & Attinger, 288 p.
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