Apprendre en s’amusantPetit cours de photographie avec la grande Susan Meiselas
Dans «Eyes Open», l’Américaine part d’exemples directs pour enseigner aux enfants la puissance des images.

Avec «Eyes Open», Susan Meiselas, grande dame du photoreportage adoubée par l’agence Magnum, poursuit une aventure qui débuta en 1974, bien avant que ses séries en couleur sur le Nicaragua ou le Kurdistan ne la rendent célèbre. Alors prof dans les écoles publiques du Bronx à New York, la jeune diplômée de Harvard découvrait sa passion pour les gens les plus humbles.
« À l’époque, j’utilisais la photographie dans le but de stimuler les enfants à exprimer, lire et écrire, leurs propres mots.»
«À l’époque, écrit-elle sur son site, je ne me voyais pas comme une photographe, et encore moins comme une enseignante en photographie! J’utilisais la photographie dans le but de stimuler les enfants à exprimer, lire et écrire, leurs propres mots.» Quand elle reçoit une aide de la Fondation Polaroid, essentiellement du matériel technique qui vient avantageusement remplacer les cartons à chaussures et autres substituts de fortune, Susan Meiselas recrute plus de 400 gamins et 200 collègues. L’album «Looking to See», toujours réédité, témoigne de ce travail.
«La culture de l’iPhone a généré une génération égocentrique en opposition à la mienne plus axée sur un processus d’observation.»
À 73 ans, la baroudeuse reprend ce concept dans «Eyes Open» mais change de perspective, consciente de l’invasion des images par chaque pore de la société contemporaine. «La culture de l’iPhone a généré une génération égocentrique en opposition à la mienne plus axée sur un processus d’observation.» Loin de critiquer l’ère du selfie, Susan Meiselas plaide sans amertume: «Le moi reste un bon point de départ. De là, où allez-vous voyager, où guetter l’occasion d’attraper un truc encore plus dingue que tout ce que vous pourriez imaginer?»

«Eyes Open» croise ainsi des photos d’élèves du monde entier avec des œuvres d’artistes célèbres, Henri Cartier-Bresson, Sally Mann, Alex Webb, etc. Dans une mise en page très aérée se détachent aussi leurs commentaires. Et ça change tout… Le livre, à feuilleter dans n’importe quel ordre, pousse à jouer en passant à l’action ou, au contraire, à méditer.

«Une photographie peut te changer toi!»
Les images dévoilent, dissimulent… Ici, 23 invitations à pratiquer séduisent, irrésistibles. Voir le jeu des «cadavres exquis»: coller différents portraits d’amis pour créer un personnage imaginaire. Ou un alter ego. Car depuis le temps, Susan Meiselas le sait bien: «Une photographie, offre-t-elle à ses élèves en guise de conclusion, n’a peut-être pas le pouvoir de changer le monde, mais elle peut te changer toi!»

Susan Meiselas
«Eyes Open»
Ed. Delpire, 160 p.
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